Turquie: arrestation de dix amiraux retraités après avoir critiqué le projet « Canal Istanbul » d’Erdogan.
Dix anciens amiraux turcs ont été arrêtés ce lundi 5 avril pour avoir critiqué, dans une lettre ouverte, un projet du président Recep Tayyip Erdogan visant à développer des infrastructures reliant la mer Noire et la mer de Marmara et baptisé « Canal Istanbul ».
Ce lundi 5 avril, pas moins de dix amiraux turcs ont été arrêtés par les autorités. En effet, ces derniers ont publié dimanche dernier une lettre ouverte dans laquelle ils critiquaient ouvertement le dernier projet de Recep Tayyip Erdogan, de construire à Istanbul, un canal qui pourrait à terme, menacer la liberté de naviguer. Une lettre signée par plus d’une centaine d’officiers.
À la retraite, les amiraux ont été placés en garde à vue. Quatre autres amiraux ont été également concernés mais, en raison de leur âge, n’ont pas été arrêtés. Pour autant, ces derniers ont reçu l’ordre de se rendre à la police d’Ankara, dans les trois jours à venir. Enfin, une enquête a été ouverte contre l’ensemble des signataires, pour réunion organisée dans le but de commettre un crime mettant en danger la sécurité de l’État.
« Canal Istanbul », un projet fustigé par d’anciens amiraux
Selon eux, le projet « Canal Istanbul » pourrait représenter une véritable menace contre la liberté de navigation. Ambitieux, ce programme fait partie de cette longue liste de projets qui ont transformé le visage de la Turquie. Entre ports, chemins de fer, aéroports, ponts et routes, Erdogan souhaite moderniser son pays.
« Coup d’État…?! »
Parmi les détenus figure le contre-amiral Cem Gürdeniz, le « père » de la doctrine controversée de la « patrie bleue » prévoyant l’établissement de la souveraineté turque sur de larges pans de la Méditerranée orientale. Les autorités turques se basent sur la doctrine de M. Gürdeniz pour justifier leurs ambitions maritimes à l’origine des tensions entre la Turquie et la Grèce. De hauts responsables turcs ont condamné la lettre ouverte signée par les amiraux retraités, estimant que son ton s’apparentait à celui d’un « coup d’État ». « Il y a une différence entre exprimer ses idées et faire une déclaration sur un ton de coup d’État », a dénoncé dimanche le président du parlement Mustafa Sentop. « Nous allons lutter contre cette mentalité obscure. Il n’existe aucun pouvoir au-dessus de celui de la volonté de la nation », a réagi lundi le ministre de la Justice Abdulhamit Gül.
Selon le Prof. Dr. Haluk Gerçek, un des scientifiques signataires du rapport du WWF-Turquie, intitulé “Soit le Canal, soit Istanbul“, la circulation maritime du Bosphore, par conséquent les accidents, qui font partie des motifs incitants au projet, sont en diminution considérable et constante depuis 2007. Il exprime que, “la raison d’être du projet Canal Istanbul n’est pas, comme il est annoncé, la respiration de la circulation ou d’empêcher les accidents, mais bien de raviver le secteur de la construction, et d’ouvrir les espaces naturels restants de la ville à la construction, ce qui est alors un projet immobilier catastrophique”….
Les opposants au projet, eux, estiment que ce nouveau canal pourrait potentiellement compromettre la Convention de Montreux, remontant à 1936. Celle-ci garantit la libre circulation de navires civils dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles, en temps de paix mais également en temps de guerre. Une lettre qui a suscité l’ire du gouvernement turc. Fahrettin Altun, chargé de la communication du président Erdogan, a estimé que toutes les personnes ayant signé ce texte seront amenées à rendre des comptes, face à la justice.
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