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Tunisie: des milliers de manifestants contre le président Saied et les pénuries

Dernière mise à jour : 15 janv. 2023


La Tunisie entre Kais et Layla

Des milliers de personnes ont manifesté samedi à Tunis contre la concentration des pouvoirs aux mains du président Kais Saied, une grogne amplifiée par des pénuries et une crise économique, 12 ans après la chute du dictateur Ben Ali.

Le mot d'ordre de la principale manifestation, organisée par le Front de salut national (FSN, opposition), était la dénonciation d'un "coup d'Etat" mené par M. Saied le 25 juillet 2021.

Le mot d'ordre de la principale manifestation, organisée par le Front de salut national (FSN, opposition), était la dénonciation d'un "coup d'Etat" mené par M. Saied le 25 juillet 2021. Mais beaucoup de manifestants ont dit être venus protester aussi contre la dégradation de leurs conditions économiques.

"Le coup d'Etat nous a ramené la famine et la pauvreté. Hier, l'épicier m'a donné juste 1 kilo de macaronis et un litre de lait. Comment je peux nourrir ma famille de 13 personnes avec ça", a dénoncé à l'AFP Nouha, 50 ans, femme au foyer, qui manifestait avec le FSN.

"Le peuple veut ce que tu ne veux pas. A bas Saied. Dégage, dégage", scandaient les militants parmi lesquels de nombreux sympathisants du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, qui dominait le Parlement avant que M. Saied ne s'empare de tous les pouvoirs à l'été 2021.

"Il nous a trahis"

Jugeant le pays ingouvernable, M. Saied avait alors limogé son Premier ministre et gelé le Parlement. Depuis, il a nommé un gouvernement mais dirige le pays par décrets. Il a aussi réformé la Constitution cet été pour renforcer ses pouvoirs au détriment du Parlement, dissous début 2022. Un scrutin législatif décrié est en cours pour élire une Assemblée qui sera dénuée de vrais pouvoirs.

Malgré des objectifs similaires, les partis d'opposition ne faisaient pas du tout front uni samedi, avec des rassemblements dans trois points différents de la capitale.

En fin de matinée, un millier de protestataires du FSN ont forcé des barrières de sécurité pour marcher vers la symbolique avenue Bourguiba avant un face-à-face tendu avec les forces de police, présentes en grand nombre, selon des journalistes de l'AFP.

Dans la manifestation du FSN, Omar, un chômeur de 27 ans s'est présenté comme un électeur déçu du président Saied, un juriste constitutionnaliste novice en politique, élu à près de 73 % en 2019. "Il nous a trahis. Voilà le résultat: une crise économique. Une pénurie insupportable, pas de lait dans notre réfrigérateur", a-t-il dit.

Les Tunisiens, qui avaient en grande partie soutenu le coup de force de M. Saied, se montrent de plus en plus mécontents de la détérioration de leurs conditions de vie, avec une inflation supérieure à 10% qui grève leur pouvoir d'achat, et la pauvreté qui touche 20 % des 12 millions d'habitants.

Comme l'Etat très endetté a dû mal à financer l'importation des produits de base dont il a la responsabilité, les pénuries de lait, sucre, café et récemment de pâtes sont chroniques.

"Sauver le pays"

Dans une manifestation de partis de gauche au centre ville, certains militants brandissaient des baguettes tout en dénonçant une "dérive autoritaire" de M. Saied, tandis que d'autres reprenaient l'un des slogans de la Révolution de 2011, réclamant du "travail" face à un taux de chômage supérieur à 15 %.

La société civile, jusqu'à récemment plutôt timide, s'est également mobilisée samedi devant le siège du syndicat des journalistes SNJT, qui s'inquiète des ambiguïtés d'une nouvelle loi réprimant la diffusion de "fausses nouvelles".

Au même moment, un autre cortège sillonnait Tunis et sa banlieue à l'initiative d'Abir Moussi, la cheffe du Parti destourien libre, un mouvement anti-islamiste et nostalgique du président Habib Bourguiba, le héros de l'indépendance en 1956.

Mme Moussi, entourée de centaines de militants, a également dénoncé la crise économique que traverse le pays dont elle a rendu responsable "le régime Saied", appelant à son départ.

En marge de ces protestations auxquelles elle ne participait pas, la puissante centrale syndicale UGTT a fait entendre sa voix via son chef Noureddine Tabboubi, qui a annoncé que "l'heure cruciale approche" pour la présentation d'une feuille de route devant "sauver le pays".


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