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Mémoire interdite: Dossier sur les disparitions forcées de la décennie noire en Algérie

Mémoire interdite: Dossier sur les disparitions forcées de la décennie noire en Algérie

Une photo vient d’être publié par notre confrère, le journaliste d’investigation et célèbre influenceur algérien, Amir DZ, de son vrai nom Amir Boukhors (Amir DZ fait l’objet de 9 mandats d’arrêt internationaux lancés par la « justice » algérienne qui l’avait condamné par contumace), sur sa page Facebook, devient virale sur les réseaux sociaux.

Sur son Facebook, Amir DZ écrit « Maaoud Mohammed Saghir, né le 2 avril 1945, Il a été kidnappé en mai 1994, pour rester dans des prisons secrètes du DRS, et ils sont utilisés comme visages devant les médias comme « gibier terroriste ». Je dis à la famille de Maaoud Mohammed Saghir, qui a été kidnappé depuis 1994, qu’il est encore vivant et qu’il est chez la DRS, et non mort comme on vous l’a dit. »

Juste après la publication de cette photo virale, le fils de Maaoud Mohammed Saghir a réagit spontanément à la photo de son père qui a été déclaré disparu depuis, cette personne dit disparu n’est qu’une goutte au milieu d’un océan de personnes, déclarées disparus par les « autorités » algériennes depuis au moins trois décennies.

Je vous invite a visionner cette vidéo


Une vidéo publiée par Amir DZ dévoile la séquestration des disparus des années 90′ dans une prison du DRS

  1. Les architectes de « décennie noire »!

  2. Les « disparitions forcées » de la décennie noire en Algérie

  3. Convention sur les disparitions « Oui à la signature, non à la ratification »….


Algérie: Une « décennie noire » « s’achève ». Une autre se prépare !… ne constatez-vous pas que le même scénario se répète?

Les architectes de « décennie noire »!

Le génocidaire le général Khaled Nezzar, Il a quitté l’Algérie en fugitif, il y revient avec les honneurs muni d’un passeport diplomatique fraîchement établi, Alors que les Algériens attendaient le retour du président Abdelmadjid Tebboune, qui affirme être en convalescence après sa grave maladie, ce fut l’ancien général Khaled Nezzar, en fuite depuis une année et demie en Espagne, qui a débarqué le 11 décembre dernier à l’aéroport militaire de Boufarik, à bord d’un jet de la présidence algérienne. Après avoir passé en revue un alignement de hauts gradés algériens venus l’accueillir sur le tarmac, et avant même de rejoindre son domicile, Khaled Nezzar est allé directement narguer les juges de son pays. Ainsi, il serait passé successivement au tribunal militaire de Blida pour «déchirer» et fouler aux pieds les documents de sa condamnation à 20 ans de prison par contumace, puis au tribunal de Sidi M’Hamed pour réduire à néant sa condamnation pour blanchiment d’argent, assortie d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui. Khaled Nezzar, né le 25 décembre 1937 à Seriana, dans l’actuelle wilaya de Batna en Algérie, est un général major et un homme politique algérien. Khaled Nezzar est le principal artisan du coup d’État qui interrompt le processus électoral qui aurait certainement conduit le Front islamique du salut (FIS), parti islamiste, au pouvoir. Le président Chadli Bendjedid démissionne la veille et un Haut Comité d’État (HCE) est mis en place. C’est le coup d’État des « janviéristes ». De 1992 à 1994, Khaled Nezzar a été l’un des cinq membres de ce Haut Comité d’État (HCE) présidé par Mohamed Boudiaf. Après l’assassinat de ce dernier, le 29 juin 1992, Ali Kafi, représentant du FLN le remplace à la présidence du HCE, dont le général Nezzar reste le principal membre. L’Algérie a connu alors une période de guerre civile qui dura environ 10 ans. Cette guerre civile, fit selon les estimations, entre 60 000 et 200 000 morts ou disparus. Khaled Nezzar échappe à un attentat le 13 février 1993, un fourgon bourré d’explosifs a été mis à feu à distance au passage de son cortège, l’explosion n’a pas fait de victimes. Il se retire de la vie politique à l’arrivée de Liamine Zeroual la même année


Le Génaral Mohamed Mediène, dit « Toufik « Reb E’dzair (le Dieu de l’Algérie). Mohamed Lamine Mediène dit Toufik, né en 1939 à la Casbah d’Alger, est un général algérien et une personnalité du monde du renseignement .Patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) de 1990 à 2015. Il est le haut-gradé algérien qui est resté le plus longtemps à son poste et ayant exercé sa fonction sous cinq présidents.Il est l’un des derniers « janviéristes » qui ont décidé le 11 janvier 1992, l’interruption du processus électoral favorable aux islamistes du Front islamique du salut (FIS) et un des tenants de la faction dure de la classe dirigeante politico-militaire, le « clan des éradicateurs» partisan de l’élimination par la force de tous les terroristes de la branche armée du FIS et opposé à tout dialogue avec eux. Réputé très influent, considéré par certains observateurs comme le véritable chef du régime algérien, il est officiellement démis de ses fonctions par la présidence de la République le 13 septembre 2015 et remplacé par le général Athmane Tartag.Il est arrêté le 4 mai 2019 et condamné à 15 ans de prison par le tribunal militaire de Blida en septembre de la même année avant d’être acquitté le 2 janvier 2021.


Le général Athmane Tartag dit Bachir et surnommé « la chignole » en référence à des rumeurs circulant depuis quelques temps selon lesquelles, il aurait torturé des gens avec cet outil durant les années noires du terrorisme, Né au début des années 1950 à El Eulma, Il est recruté par la Sécurité militaire en 1972 et, après un stage d’une année à Moscou à l’école du KGB, il est affecté à Tindouf dans la 3e région militaire avec le grade de lieutenant.En 1990, il est chargé des opérations au sein de l’état-major à l’intérieur duquel il est connu pour avoir dirigé le Centre principal militaire d’investigations (CPMI). En 1999, à l’arrivée de Bouteflika aux affaires, il est mis à la retraite avant d’être rappelé en décembre 2011, à la tête de la Direction de la sécurité intérieure (DSI). Devenu no 2 du DRS, il assure le commandement de l’intervention militaire lors de l’attaque terroriste du site gazier d’In Amenas, à la suite de quoi il est à nouveau mis à la retraite en juillet 2014.Il est rappelé en octobre de la même année pour occuper le poste de conseiller à El Mouradia, puis en septembre 2015 pour remplacer le général Mohamed Mediène dit « Toufik » à la tête du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), après que ce dernier y a passé plus de vingt ans. Selon les spécialistes, le limogeage de « Toufik » Médiène et la nomination de Athmane Tartag ont été prises par Saïd Bouteflika et s’inscrivent dans un contexte de préparation de l’après Abdelaziz Bouteflika .

  1. Saïd Chengriha, « l’oligarque militaire » qui succède à Ahmed Gaïd Salah

à la tête de l’armée Le général-major Saïd Chengriha est devenu, le 23 décembre, le nouveau chef d’état-major de l’armée nationale populaire (ANP) à la suite du décès d’Ahmed Gaïd Salah. Homme de terrain et novice politique, il hérite d’une «situation inédite et difficile», marquée par un mouvement de contestation populaire inédit. Saïd Chengriha a été désigné nouveau chef d’état-major par le président fraîchement élu Abdelmadjid Tebboune, quelques heures après le décès du général Ahmed Gaïd Salah, le 23 décembre. « Cette rapidité illustre l’inquiétude de l’armée de ne pas laisser ce poste, essentiel, vacant. C’est un message fort », estime ainsi Karima Direche, historienne et spécialiste de l’Algérie au CNRS. Homme de terrain et novice politique, celui qui s’est forgé une réputation de dirigeant brutal, voire sanguinaire, durant la décennie noire. Le général-major Saïd Chengriha promu à 74 ans, marié et père de six enfants, fait en effet partie de ces haut gradés qui ont très probablement du sang sur les mains. C’est en tout cas ce qu’avait dénoncé Habib Souaïdia dans La Sale Guerre (1). Dans cet ouvrage paru en 2001, l’ancien officier exilé en France fait état de massacres de civils perpétrés par l’armée, de vagues d’arrestations opérées par les officiers du renseignement « habillés en civils, ressemblant à des terroristes », de pratiques de torture et de nombreuses exécutions sommaires ordonnées, voire réalisées, par le commandant Chengriha, alors qu’il était sous ses ordres dans les années 1993-1995. En 2002, Habib Souaïdia était condamné à vingt ans de réclusion par contumace pour participation à une entreprise de démoralisation de l’armée et complot portant atteinte à l’intégrité du territoire national. La discrétion ostensible de Chengriha tranche avec les interventions brutales et les discours volontiers menaçants de Gaïd Salah, à qui les « décideurs » ont reproché d’avoir exposé inutilement l’institution militaire. Le nouveau chef d’état-major se veut avant tout le garant d’une réconciliation interne à la clique dirigeante, avec l’acquittement en janvier dernier des anciens chefs des renseignements militaires, les généraux Mediene et Tartag, condamnés à 15 ans de prison après la démission de Bouteflika. «Saïd Chengriha est un trafiquant de drogue et d’armes…» Guermit Bounouira….

Guermit Bounouira accuse, en effet, Said Chengriha, d’avoir accumulé une fortune colossale grâce au trafic de drogues et à la contrebande d’armes. Le secrétaire particulier du défunt Gaid Salah a même accusé Said Chengriha d’avoir servi comme « baron de drogues » en assurant la protection des voies pour le trafic de drogue à la frontière algéro-marocaine.


Le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali, un certain Abdelmadjid Tebboune, qui se mettait à toutes les sauces…

  1. Sid Ahmed Ghozali est nommé le 5 juin 1991, le lendemain de la proclamation de l’état de siège. Les membres de ce gouvernement sont nommés le 18 juin. Le 16 octobre 1991, le gouvernement est remanié.

La « décennie noire » reste un traumatisme profond pour l’Algérie.

En quoi cette tragédie peut-elle nous aider à éclairer le présent et à comprendre une forme d’immobilisme dans l’Algérie politique d’aujourd’hui et de demain?

La poussée électorale du Front islamique du salut (FIS) amène le gouvernement à suspendre le processus démocratique et à décréter l’état d’urgence. C’est le début d’une longue crise :

  1. assassinats,

  2. attentats,

  3. massacres,

  4. disparitions,

  5. répression…

À la fin de 1988, le Front de libération nationale (FLN), parti unique en Algérie dont le pouvoir était resté inébranlé depuis les années 1960, ne semblait plus adapté à la situation. Plusieurs éléments ont mené à une insatisfaction croissante de la population. Tout d’abord, un système de parti unique basé sur la démocratie populaire mais cachant en réalité un régime militaire, touché par la corruption et le clientélisme. En effet, les années 1980 avaient vu trois organes de pouvoir différents : la présidence, le parti et l’armée. Ensuite, les chutes du prix du pétrole en 1986 qui font passer le prix du baril de 30 $ à 10 $. Le gouvernement bénéficiait du prix élevé du pétrole : celui-ci concernait 95 % des exports algériens et 60 % du budget du gouvernement. L’économie planifiée subit de fortes contraintes, avec les pénuries et la montée du chômage. En octobre 1988, des manifestations contre le président Chadli Bendjedid eurent lieu dans toutes les villes algériennes, mettant en avant la montée de l’islamisme parmi nombre de manifestants. L’armée, en tirant sur les manifestants, fit plus de 500 morts et choqua la population par la brutalité de la réponse.

La victoire du FIS aux élections législatives de 1991 crée une véritable division au gouvernement sur la marche à suivre. La véritable question qui se pose est la suivante : doit-on, ou non, accepter de gouverner avec le FIS quand il obtiendra la majorité aux élections législatives ? Le gouvernement est divisé. De son côté, le président Bendjedid pense pouvoir utiliser son statut de Chef d’État pour contrôler et tempérer les éventuels excès des députés du FIS, en fait, il souhaite à tout prix continuer sur la lancée de démocratisation de la société. D’un autre côté, le premier ministre Ghozali ainsi que certains généraux (Nezzar et Belkheir) refusent catégoriquement de laisser le pouvoir législatif aux députés du FIS, ils veulent à tout prix conserver la tradition nationaliste et laïque du régime algérien. Très vite, au début du mois de janvier, les opposants à Chedli Bendjedid, ainsi que quelques chefs militaires décident de couper court au débat et d’imposer leur décision au Président.

La « décennie noire » entre 1991 et 2002

La tragédie  commença en décembre 1991, quand le gouvernement annula immédiatement les élections législatives après les résultats du premier tour, anticipant une victoire du Front islamique du salut (FIS), craignant de perdre le pouvoir et que ce dernier mette en place une république islamique.

Après l’interdiction du FIS et l’arrestation de milliers de ses membres, différents groupes de guérilla islamiste émergèrent rapidement. Le 11 janvier 1992, sous le coup de force de ces généraux et chefs militaires dits «janviéristes», l’armée annula les élections, forçant le président Chadli Bendjedid à démissionner lors d’un discours télévisuel. Le 12 janvier, les généraux « janviéristes » décident de transférer le pouvoir présidentiel à un Haut Comité de Sécurité qui devait servir de comité de conseil présidentiel. Le lendemain, ce comité décide d’annuler les élections législatives et de créer le Haut Comité d’État (HCE) qui est une présidence collégiale opérant jusqu’à la fin du mandat de Bendjedid, en décembre 1993. Le HCE rappelant de son exil le combattant de l’indépendance Mohammed Boudiaf comme nouveau président de la nouvelle autorité politique chargée de diriger l’État : le Haut Comité d’État. Pour les chefs du coup d’État, Boudiaf était le meilleur choix, d’une part par sa légitimité acquise lors de la guerre d’indépendance, et d’autre part, parce que sa réputation n’avait pas été touchée par les crises politiques de l’Algérie indépendante.

Alors qu’il est au pouvoir, Boudiaf se concentre sur trois objectifs. Le premier objectif de Boudiaf est d’ordre économique. Il s’agit de remettre à flot l’économie algérienne. En effet, avec un dette de 25 milliards de dollars, une croissance économique négative et un fort taux de chômage, l’économie algérienne est en grande difficulté. Or Boudiaf est persuadé que la situation économique délétère est le lit de la montée de l’islamisme et du FIS. Il est donc absolument primordial pour le HCE de relancer au plus vite l’économie nationale. En plus de l’économie, le régime a pour second objectif de réorganiser la classe politique algérienne. Boudiaf entend exclure tout parti politique islamiste, au premier plan duquel le FIS, en renforçant l’article de la Constitution qui interdit tout parti politique dont la base idéologique est religieuse. De la même manière, il entend aussi reconquérir l’électorat ayant voté pour le FIS. D’autre part, Il semble nécessaire à Boudiaf de renforcer le régime en légitimant le HCE et le coup d’État de janvier, tous deux rejetés par les trois partis les plus importants sur l’échiquier politique algérien : Le Front des Forces Socialistes (FFS), le FIS et le FLN. Boudiaf tente donc d’attirer dans son gouvernement des membres de chacun de ces partis. De cette manière, des membres modérés du FIS ont obtenu des ministères, ainsi qu’un membre du parti des forces socialistes. Enfin, comme pour accélérer le processus de modernisation, Boudiaf veut créer une organisation populaire comme cadre pour discuter des difficultés rencontrées par le pays, mais aussi comme plateforme de soutien au régime et au HCE. Cette organisation sera créée dès mai 1992 sous le nom de Rassemblement patriotique national. Enfin, le troisième objectif fondamental de la présidence de Boudiaf est le rétablissement de l’ordre et la sécurité pour les Algériens. Pour cela, de nombreux membres du FIS furent arrêtés : 5 000 d’après les rapports de l’armée, 30 000 (incluant Abdelkader Hachani) selon le FIS et 40000 selon les chiffres avancés par Gilles Kepel. Les prisons étant insuffisantes pour emprisonner tout le monde, des camps furent créés au Sahara, et les hommes qui portaient une barbe craignirent de sortir dans la rue de peur d’être arrêtés en tant que sympathisants du FIS. L’état d’urgence fut déclaré, et beaucoup de droits constitutionnels suspendus. Toutes les protestations furent étouffées. Des organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International, signalèrent l’utilisation fréquente de la torture par le gouvernement et la détention de suspects sans charges ni procès. Le gouvernement a officiellement dissous le FIS le 4 mars, alors que l’armée concentrait le pouvoir réel malgré les efforts de Boudiaf.

L’assassinat de Mohamed Boudiaf est survenu le 29 juin 1992 lorsque le président algérien Mohamed Boudiaf a été tué par l’un de ses propres gardes du corps, Lambarek Boumaarafi, présenté officiellement comme un fondamentaliste islamique et un sympathisant du Front islamique du salut (FIS), alors qu’il s’adressait à une réunion publique à Annaba qui a ensuite été diffusée par la télévision nationale.

Il a reçu 3 balles, deux dans la tête et une dans le dos. Il a été président pendant cinq mois, après son retour d’exil au Maroc pour régner sur le Haut Comité d’État qui a émergé comme une alternative constitutionnelle.

En 1995, les pourparlers échouèrent et une nouvelle élection eut lieu, remportée par le candidat de l’armée, le général Liamine Zéroual.

L’armée commit une série de massacres visant des villages entiers, avec un pic en 1997 autour des élections parlementaires, qui furent remportées par un parti nouvellement créé favorable à l’armée, le Rassemblement national démocratique (RND).

Les “disparitions forcées” de la décennie noire en Algérie

Pendant la décennie noire des années 90 la pratique des enlèvements a fait partie des méthodes de guerre, comme cela avait été le cas pendant la guerre d’indépendance : environ 8000 personnes ont été officiellement portées «définitivement disparues» par l’État algérien. Un chiffre largement sous-estimé selon la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) et d’autres ONG qui évaluent à 18.000 le nombre de disparus. Il y a peu de doutes que la quasi totalité de ces disparus sont en fait morts et gisent dans des charniers creusés à travers tout le pays.

Depuis 1998, tous les mercredis, quelques dizaines de femmes algériennes se rassemblent devant le siège de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) à Alger, avec les photos de leurs disparus à bout de bras. La CNCPPDH est la commission dont l’État s’est doté en espérant convaincre le peuple algérien et les organismes internationaux que la question des droits de l’homme est au cœur de sa politique. Celles qu’on appelle les mères de disparus demandent à l’État de répondre à leurs questions :

  1. où est mon fils (mari, frère…) ?

  2. Fait-il partie des corps qu’on trouve à chaque fois qu’un charnier est découvert ?

  3. Qui l’a enlevé ?

  4. Comment est-il mort ?

Pour toute réponse elles ont droit aux barrages de policiers ou aux dispersions violentes de leur rassemblement comme ce fut le cas en aout 2010. Elles ont droit aussi aux déclarations à la presse de Farouk Ksentini, le président de la CNCPPDH installé par Bouteflika. Selon Ksentini « la plupart de ces disparus ont pris le maquis, ce sont des terroristes » ; le même accuse les familles de vouloir ressortir d’anciens dossiers qui peuvent nuire à la « notoriété de l’État algérien ».

« Je demande juste les os de mon fils » : le combat des mères algériennes pour obtenir la vérité sur leurs enfants disparus.

Durant les années 1990 en Algérie, période communément appelée « la décennie noire », plusieurs violences commises par les agents des services de sécurité de l’État aboutissent à des disparitions forcées. Les familles et les proches des victimes vont d’emblée former des associations et se mobiliser afin de réclamer à l’État algérien des informations, constituer les dossiers individuels des disparus, puis vont se tourner vers les institutions internationales. Limités par la loi de 2012 sur les associations, les familles et les proches dont les actions, les rassemblements et les rituels de deuil sont bien souvent prohibés.

Une Charte qui a tenté d’acheter le silence des familles de disparus

Le 29 septembre 2005, la Charte dite « pour la paix et la réconciliation nationale » a été instituée pour tenter de tourner une page très embarrassante pour l’Etat algérien.

Durant la guerre des années 1990, plusieurs milliers de personnes ont été victimes de disparitions forcées perpétrées par les agents de l’Etat. La Charte a été adoptée et imposée aux Algériens et Algériennes sans aucun débat sur son contenu. La Charte a nié aux familles de disparus leur droit à connaître la vérité et à obtenir justice, notamment en amnistiant tous les responsables de crimes commis durant cette période. Cette Charte dont les dispositions sont contraires aux droits de l’Homme, et prône l’impunité, a entériné une paix de facto basée sur une absence totale de véritable réconciliation, de justice et de vérité.

Elle empêche les familles de victimes de déposer plainte et de poursuivre des procédures judiciaires à l’encontre d’agents de l’Etat pour des crimes commis pendant les années 1990, de par son art. 45.

La Charte oblige les victimes à déclarer leurs proches disparus décédés sans qu’aucune enquête ne soit menée, afin de toucher une indemnisation qui ne viendra jamais réparer le préjudice subi. Les familles et amis de disparu-e-s vivent dans un espoir latent que leurs proches franchiront un jour de nouveau le seuil de la maison et sont dans l’incapacité total de faire leur deuil.

Cette Charte – recouvrant la décennie noire d’une chape de plomb supplémentaire – fait la démonstration d’un Etat algérien responsable des disparitions forcées mais qui refuse de le reconnaître. Malgré cela, le CFDA et Sos Disparus continueront de se battre inlassablement contre ces mesures et pour enfin obtenir justice et vérité.

Les hauts responsables algériens doivent entendre, que derrière ces revendications, il y a des mères, des pères, des sœurs, des frères, des conjoints qui subissent la perte d’un être aimé et que cette injustice ne doit pas être une fatalité.

Le CFDA et Sos Disparus appellent à faire table rase de cette indécente impunité et à ouvrir les archives, lancer des enquêtes et rendre justice à tous les disparu-e-s et à leurs familles, afin de refaire une société de façon saine, après cet épisode traumatisant de la guerre civile.

Les Disparitions Forcées en Algérie: un crime contre l’humanité

D’après le droit international des droits de l’Homme et le droit international pénal, la pratique des disparitions forcées est qualifiée de crime contre l’humanité lorsqu’elles ont eu lieu dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique à l’encontre d’une population civile en application d’une politique ayant pour but une telle attaque [Article 7 du Statut de Rome et l’article 5 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.].

Le rapport « Les disparitions forcées en Algérie : un crime contre l’humanité » démontre que les circonstances dans lesquelles les disparitions forcées ont été perpétrées dans les années 1990 réunissent les critères conduisant à la qualification de crime contre l’humanité annoncées à l’article 7 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. En Algérie, la pratique de la disparition a visé des catégories de la population susceptibles aux yeux des services de sécurité d’entretenir des liens avec la mouvance islamiste et/ou de délivrer des informations sur les activités des groupes armés. De même, ces disparitions se sont déroulées dans la grande majorité du pays, seules les 5 grandes wilayas du Sud n’ont pas été touchées.

La qualification de crime contre l’humanité entraîne différents conséquences, comme l’imprescriptibilité, l’interdiction des amnisties et la reconnaissance des droits des victimes à des réparations pleines et entières. De ce fait, les auteurs de disparitions forcées ne peuvent bénéficier d’aucune sorte d’amnistie, ni même de grâce, si elles empêchent la justice de déterminer la culpabilité ou l’innocence des auteurs présumés, comme c’est actuellement le cas des dispositions de l’ordonnance 06-01 portant sur l’application de la Charte. L’Etat doit également réparer intégralement et de manière adéquate les préjudices des victimes de disparitions forcées et de leurs proches. De nos jours, cette indemnisation en Algérie est conditionnée à la délivrance d’un jugement de décès du disparu, ce qui ne satisfait pas les critères posés.

L’enjeu principal auquel renvoie la question de la réelle nature du crime que constituent les disparitions forcées en Algérie est celui de la lutte contre l’imputé. Aujourd’hui à la lumière de ce rapport, le CFDA demande aux autorités algériennes:

  1. D’accomplir son obligation de mener des enquêtes immédiates, exhaustives et impartiales sur chaque cas de disparition.

  2. De rechercher, poursuivre et sanctionner les auteurs de disparitions forcées.

  3. De mettre en œuvre des réparations intégrales et de manière adéquate pour les préjudices des victimes des disparitions forcées et de leurs proches.

  4. D’adopter des garanties de non répétition de crimes.

Convention sur les disparitions « Oui à la signature, non à la ratification »….

Convention sur les disparitions

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées est entrée en vigueur en 2010. Son objectif est de prévenir les disparitions forcées, de faire toute la lumière lorsqu’elles surviennent, et de garantir que les rescapés et les familles de victimes obtiennent justice et réparations. Cette Convention est l’un des traités adoptés par les Nations unies qui vont le plus loin sur le plan des droits humains.

Oui à la signature, non à la ratification

Ce n’est pas pour rien si l’on distingue signature et ratification. « La simple signature par un Etat ne fait pas entrer la convention dans le droit interne », explique Jacques Fierens, juriste et philosophe spécialisé. Autrement dit, se contenter de signer la convention n’oblige en aucun cas l’Etat à appliquer les dispositions qui y sont prévues.

L’Algérie, l’a seulement signée, sans la ratifier, la mafia militaro-politico-financière algérienne n’aiment pas avoir le regard d’une instance extérieure sur leur droit interne.

L’Algérie a signé la Convention le 6 février 2007. Mais la ratification ne suit pas, et par conséquent, les dispositions de la convention n’ont pas force obligatoire en Algérie. Si certains des droits qu’elle garantit sont bafoués sur le territoire algérien, les citoyens ne peuvent s’en prémunir devant les tribunaux.

La signature est un simple engagement politique. La ratification implique la mise en œuvre de cette convention, en mettant en place des services, en adoptant certaines mesures, en faisant appliquer les dispositions de la convention devant les juges.

L’article 2 définit la disparition forcée comme « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve ». L’article 24 définit la « victime » comme la personne disparue et toute personne physique ayant subi un préjudice du fait d’une disparition forcée. On demande de garantir à la victime d’une disparition forcée le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée rapidement, équitablement et de manière adéquate (section 4). Le droit d’obtenir réparation couvre aussi les dommages matériels et moraux ainsi que le cas échéant, d’autres formes de réparations telles que

  1. a) la restitution,

  2. b) la réadaptation,

  3. c) la satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de réparation,

  4. d) des garanties de non-répétition.

Pour la vérification de la mise en œuvre des dispositions prévues par la Convention, celle-ci prévoit l’institution d’un Comité des disparitions forcées. Les États parties s’engagent à remettre régulièrement à ce Comité un rapport concernant les mesures qu’ils ont adoptées pour donner effet aux dispositions de la Convention.

La Convention est l’un des traités obligeant les États à poursuivre ou extrader (aut dedere aut judicare) les suspects se trouvant sous leur juridiction en application de la compétence universelle obligatoire (articles 9 et 11).




Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

New York, 20 décembre 2006



Entrée en vigueur:

23 décembre 2010, conformément au paragraphe 1 de l’article 39 qui se lit comme suit : «La présente Convention entrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies du vingtième instrument de ratification ou d’adhésion.».


Enregistrement:

23 décembre 2010, No 48088


État:

Signataires : 98. Parties : 63


Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2716,p. 3;Doc.A/61/448C.N.737.2008.TREATIES-12 du 2 octobre 2008 (Proposition de corrections du texte original de la Convention (Textes authentiques anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe) et des exemplaires certifiés conformes) et C.N.1040.2008.TREATIES-20 du 2 janvier 2009 (corrections).


Note:

La Convention susmentionnée a été adoptée le 20 décembre 2006 au cours de la soixante-et-unième session de l’Assemblée générale par la résolution A/RES/61/177. Conformément à l’article 38, cette Convention sera ouverte à la signature de tous les États Membres de l’Organisation des Nations Unies. La Convention susmentionnée sera ouverte à la signature à Paris (France) le 6 février 2007 et par la suite au Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York.

ParticipantSignatureAdhésion(a), RatificationAlbanie 6 févr 2007 8 nov 2007Algérie 6 févr 2007Allemagne26 sept 200724 sept 2009Angola24 sept 2014Argentine 6 févr 200714 déc 2007Arménie10 avr 200724 janv 2011Autriche 6 févr 2007 7 juin 2012Azerbaïdjan 6 févr 2007Belgique 6 févr 2007 2 juin 2011Belize14 août 2015 aBénin19 mars 2010 2 nov 2017Bolivie (État plurinational de) 6 févr 200717 déc 2008Bosnie-Herzégovine 6 févr 200730 mars 2012Brésil 6 févr 200729 nov 2010Bulgarie24 sept 2008Burkina Faso 6 févr 2007 3 déc 2009Burundi 6 févr 2007Cabo Verde 6 févr 2007Cambodge27 juin 2013 aCameroun 6 févr 2007Chili 6 févr 2007 8 déc 2009Chypre 6 févr 2007Colombie27 sept 200711 juil 2012Comores 6 févr 2007Congo 6 févr 2007Costa Rica 6 févr 200716 févr 2012Croatie 6 févr 2007Cuba 6 févr 2007 2 févr 2009Togo27 oct 201021 juil 2014Dominique13 mai 2019 aÉquateur24 mai 200720 oct 2009Espagne27 sept 200724 sept 2009Eswatini25 sept 2007Fidji19 août 2019 aFrance 6 févr 200723 sept 2008Gabon25 sept 200719 janv 2011Gambie20 sept 201728 sept 2018Zambie27 sept 2010 4 avr 2011Ghana 6 févr 2007Grèce 1 oct 2008 9 juil 2015Grenade 6 févr 2007Guatemala 6 févr 2007Guinée-Bissau24 sept 2013Haïti 6 févr 2007Honduras 6 févr 2007 1 avr 2008Inde 6 févr 2007Indonésie27 sept 2010Iraq23 nov 2010Irlande29 mars 2007Islande 1 oct 2008Italie 3 juil 2007 8 oct 2015Japon 6 févr 200723 juil 2009Kazakhstan27 févr 2009Kenya 6 févr 2007Lesotho22 sept 2010 6 déc 2013Liban 6 févr 2007Liechtenstein 1 oct 2007Lituanie 6 févr 200714 août 2013Luxembourg 6 févr 2007Macédoine du Nord 6 févr 2007Madagascar 6 févr 2007Malawi14 juil 2017Maldives 6 févr 2007Mali 6 févr 2007 1 juil 2009Malte 6 févr 200727 mars 2015Maroc 6 févr 200714 mai 2013Mauritanie27 sept 2011 3 oct 2012Mexique 6 févr 200718 mars 2008Venezuela 21 oct 2008Mongolie 6 févr 200712 févr 2015Monténégro 6 févr 200720 sept 2011Mozambique24 déc 2008Niger 6 févr 200724 juil 2015Nigéria27 juil 2009Norvège21 déc 200722 août 2019Oman12 juin 2020Ouganda 6 févr 2007Palaos20 sept 2011Panama25 sept 200724 juin 2011Paraguay 6 févr 2007 3 août 2010Pays-Bas29 avr 200823 mars 2011Pérou26 sept 2012Pologne25 juin 2013Portugal 6 févr 200727 janv 2014République centrafricaine11 oct 2016République démocratique populaire lao29 sept 2008République de Moldova 6 févr 2007République dominicaine26 sept 2018République tchèque19 juil 2016 8 févr 2017République-Unie de Tanzanie29 sept 2008Roumanie 3 déc 2008Saint-Vincent-et-les Grenadines29 mars 2010Samoa 6 févr 200727 nov 2012Sénégal 6 févr 200711 déc 2008Serbie 6 févr 200718 mai 2011Seychelles18 janv 2017Sierra Leone 6 févr 2007Slovaquie26 sept 200715 déc 2014Slovénie26 sept 2007Sri Lanka10 déc 201525 mai 2016Suède 6 févr 2007Suisse19 janv 2011 2 déc 2016Tchad 6 févr 2007Thaïlande 9 janv 2012Vanuatu 6 févr 2007Tunisie 6 févr 200729 juin 2011Ukraine14 août 2015Uruguay 6 févr 2007 4 mars 2009

L’Algérie coupable des violations et des disparitions forcées dans les camps de Tindouf

L’ONG internationale Il Cenacolo a saisi le Haut commissariat des droits de l’homme (HCDH) sur l’impunité des auteurs des violations flagrantes des droits de l’homme dans les camps de Tindouf, tenant le régime algérien pour responsable, en vertu du droit international, de tous ces abus et de la pratique, à grande échelle, de la disparition forcée dans lesdits camps.

Dans une déclaration écrite soumise au HCDH, à l’occasion de la 47ème session du Conseil des droits de l’homme, Il Cenacolo, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif spécial, a relevé que la disparition forcée dans les camps de Tindouf est une pratique systématique contre toute personne qui ose exprimer des opinions différentes de celles propagées par la direction du polisario.

L’omerta imposée aux populations de ces camps, la destruction des preuves et l’absence de toute voie de recours judiciaire sont autant de tares qui permettent la perpétuation de la situation d’impunité dont bénéficient les auteurs des atteintes graves aux droits de l’homme aux camps de Tindouf, fait observer l’Organisation, notant qu’aucune mesure n’a été prise pour entreprendre des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces à propos de ces disparitions, ou encore pour la poursuite en justice des auteurs de ces crimes commis sur le territoire algérien, dans un total déni par l’Algérie de ses obligations internationales.

« Pour parer au dévoilement des atrocités commises par les dirigeants du polisario et l’armée algérienne contre les populations sahraouies des camps de Tindouf, l’appareil sécuritaire du tandem Algérie-polisario, recourt à la répression systématique de toute personne osant briser le mur de silence imposé aux habitants des camps depuis des années », fait observer Il Cenacolo.

C’est en raison de cette chape de plomb que la revendication du sort des victimes de la disparition forcée aux camps de Tindouf a tardé à surgir et n’a été portée sur la scène publique qu’après le départ de milliers d’habitants qui ont réussi à fuir les camps, et l’émigration de plusieurs autres parmi eux vers l’Espagne, où ils mènent une campagne pour faire prévaloir leur droit de connaître le sort de leurs proches, note la même source.

Les recherches effectuées par une association créée en Espagne par Lemaadla Zrug, présidente de l’ »Association sahraouie contre l’impunité aux camps de Tindouf (ASIMCAT)« , dont le père a été détenu et torturé à mort au bagne de « Errachid », quelques semaines après sa naissance, a permis d’établir une longue liste de victimes sahraouies des disparitions forcées perpétrées par les dirigeants du polisario en toute impunité sur le territoire algérien, rappelle l’ONG.

L’organisation s’est attardée dans ce sens sur les multiples atrocités subies par les victimes, et les circonstances de leur enlèvement brutal, la violence qui s’en suivait et les lieux de leur séquestration, notant que des survivants souffrent encore des séquelles de ces traitements inhumains et cruels, dont les traces sont encore visibles sur différentes parties de leur corps.

Il Cenacolo dénonce à ce propos l’attitude des dirigeants du polisario et des autorités algériennes qui non seulement refusent de coopérer pour arrêter les auteurs de ces crimes, mais « ils se sont lancés dans une campagne de dénigrement et de calomnie des familles des victimes, en attaquant, via leurs relais sur les réseaux sociaux, toute personne osant s’informer du devenir d’un proche parent disparu aux camps de Tindouf».

L’ONG rappelle également les rapports de l’ONU et d’organisations internationales ayant exprimé « leur profonde préoccupation quant à la dévolution de facto par l’état algérien de ses pouvoirs, notamment juridictionnels, au polisario », notant que cette « dévolution » de facto par l’Algérie de son autorité sur une partie de son territoire au polisario a engendré un vide juridictionnel marqué par une « extraterritorialité illégale » dans les camps.


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