afp.com/LOUISA GOULIAMAKI
Migration: Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions sur un nouveau pacte sur la migration et l’asile.
Ce 23 septembre 2020, la Commission européenne a présenté son très attendu nouveau Pacte sur la migration et l’asile.
Alors que l’Union européenne (UE) traverse une crise politique majeure depuis 2015 et que les solutions apportées ont démontré leur insuffisance en matière de solidarité entre États membres, leur violence à l’égard des exilés et leur coût exorbitant, la Commission européenne ne semble pas tirer les leçons du passé.
Au menu du Pacte: un renforcement toujours accru des contrôles aux frontières, des procédures expéditives aux frontières de l’UE avec, à la clé, la détention généralisée pour les nouveaux arrivants, la poursuite de l’externalisation et un focus sur les expulsions. Il n’y a donc pas de changement de stratégie.
Le Règlement Dublin, injuste et inefficace, est loin d’être aboli. Le nouveau système mis en place changera certes de nom, mais reprendra le critère tant décrié du “premier pays d’entrée” dans l’UE pour déterminer le pays responsable du traitement de la demande d’asile. Quant à un mécanisme permanent de solidarité pour les États davantage confrontés à l’arrivée des exilés, à l’instar des quotas de relocalisations de 2015-2017 – relocalisations qui furent un échec complet -, la Commission propose une solidarité permanente et obligatoire mais… à la carte, où les États qui ne veulent pas accueillir de migrants peuvent choisir à la place de “parrainer” leur retour, ou de fournir un soutien opérationnel aux États en difficulté. La solidarité n’est donc cyniquement pas envisagée pour l’accueil, mais bien pour le renvoi des migrants.
Pourtant, l’UE fait face à beaucoup moins d’arrivées de migrants sur son territoire qu’en 2015 (1,5 million d’arrivées en 2015, 140.00 en 2019)
Fin 2019, l’UE accueillait 2,6 millions de réfugiés, soit l’équivalent de 0,6% de sa population. À défaut de voies légales et sûres, les personnes exilées continuent de fuir la guerre, la violence, ou de rechercher une vie meilleure et doivent emprunter des routes périlleuses pour rejoindre le territoire de l’UE: on dénombre plus de 20.000 décès depuis 2014. Une fois arrivées ici, elles peuvent encore être détenues et subir des mauvais traitements, comme c’était le cas dans le camp qui a brûlé à Moria. Lorsqu’elles poursuivent leur route migratoire au sein de l’UE, elles ne peuvent choisir le pays où elles demanderont l’asile et elles font face à la loterie de l’asile…
Loin d’un “nouveau départ” avec ce nouveau Pacte, la Commission propose les mêmes recettes et rate une opportunité de mettre en œuvre une tout autre politique, qui soit réellement solidaire, équitable pour les États membres et respectueuse des droits fondamentaux des personnes migrantes, avec l’établissement de voies légales et sûres, des procédures d’asile harmonisées et un accueil de qualité, ou encore la recherche de solutions durables pour les personnes en situation irrégulière.
Dans cette brève analyse, nous revenons sur certaines des mesures phares telles qu’elles ont été présentées par la Commission européenne et qui feront l’objet de discussions dans les prochains mois avec le Parlement européen et le Conseil européen. Nous expliquerons également en quoi ces mesures n’ont rien d’innovant, sont un échec de la politique migratoire européenne, et pourquoi elles sont dangereuses pour les personnes migrantes.
«Nous adopterons une approche axée sur l’humain et empreinte d’humanité. Le sauvetage des vies humaines en mer n’est pas optionnel. Et les pays qui remplissent leurs obligations juridiques et morales ou qui sont plus exposés que les autres doivent pouvoir compter sur la solidarité de toute notre Union européenne. […] Nous devons tous intensifier nos efforts en la matière et prendre nos responsabilités.» La présidente von der Leyen, discours sur l’état de l’Union 2020Un nouveau pacte sur la migration et l’asile.
La migration est une constante de l’histoire de l’humanité qui a façonné en profondeur la société européenne, son économie et sa culture. Grâce à un système bien géré, la migration peut contribuer à la croissance, à l’innovation et au dynamisme social. Les principaux défis sociétaux qui se posent aujourd’hui au niveau mondial, à savoir la démographie, le changement climatique, la sécurité, la course mondiale aux talents et les inégalités, ont tous une incidence sur la migration. Des impératifs de portée générale tels que la libre circulation dans l’espace Schengen, la sauvegarde des droits fondamentaux, la sécurité et les déficits de compétences à combler nécessitent tous une politique migratoire efficace. La tâche qui incombe à l’Union européenne (UE) et à ses États membres – parallèlement aux besoins urgents auxquels il faut continuer de répondre – consiste à mettre en place un système permettant à la fois de maîtriser et de normaliser la migration à long terme, tout en étant pleinement ancré dans les valeurs européennes et le droit international. Le nouveau pacte sur la migration et l’asile marque ainsi un nouveau départ sur la voie de cet objectif. La crise des réfugiés de 2015-2016 a mis en lumière de graves insuffisances, tout en montrant combien il est complexe de gérer une situation dans laquelle tous les États membres ne sont pas touchés de la même manière. Elle a suscité de vives inquiétudes et fait apparaître des différences qui doivent être reconnues et dépassées. Elle a, avant tout, mis en évidence une réalité fondamentale inhérente à la nature de l’Union, à savoir que toute mesure a des répercussions sur les autres. Alors que certains États membres continuent d’être confrontés aux difficultés de la gestion des frontières extérieures, d’autres doivent faire face à des arrivées massives par voie terrestre ou maritime ou à des centres d’accueil surpeuplés, et d’autres encore enregistrent toujours un nombre élevé de mouvements non autorisés de migrants. Un nouveau cadre européen durable est nécessaire pour gérer l’interdépendance entre les politiques et les décisions des États membres et pour apporter une réponse adéquate aux possibilités et aux difficultés qui apparaissent en temps normal, dans les situations de pression et dans les situations de crise: un cadre qui puisse non seulement apporter sécurité juridique, clarté et des conditions décentes aux hommes, aux femmes et aux enfants qui arrivent dans l’Union, mais qui puisse aussi donner aux Européens l’assurance que la migration est gérée de manière efficace et humaine, dans le plein respect de nos valeurs.
En 2019, 20,9 millions de ressortissants de pays tiers résidaient légalement dans les États membres de l’UE, soit environ 4,7 % de la population totale de l’Union.
En 2019, les États membres de l’UE ont délivré quelque 3,0 millions de premiers titres de séjour à des ressortissants de pays tiers, dont environ 1,8 million pour une durée d’au moins 12 mois.
Au plus fort de la crise des réfugiés en 2015, 1,82 million de franchissements illégaux des frontières avaient été enregistrés aux frontières extérieures de l’Union. En 2019, ce chiffre était tombé à 142 000.
Le nombre de demandes d’asile, qui avait culminé à 1,28 million en 2015, était de 698 000 en 2019.
En moyenne, chaque année, quelque 370 000 demandes de protection internationale
sont rejetées, mais seulement un tiers environ des personnes concernées font l’objet d’une décision de retour dans leur pays d’origine.
Fin 2019, l’Union accueillait quelque 2,6 millions de réfugiés, soit l’équivalent de 0,6 % de sa population.
Le nouveau pacte reconnaît qu’aucun État membre ne devrait se voir imposer une responsabilité disproportionnée et que tous les États membres devraient systématiquement contribuer à la solidarité. Il prévoit une approche globale, regroupant les politiques dans les domaines de la migration, de l’asile, de l’intégration et de la gestion des frontières, tout en reconnaissant que l’efficacité globale dépend des progrès réalisés sur tous les fronts. Il crée des procédures migratoires plus rapides et fluides et une gouvernance renforcée des politiques en matière de migration et de gestion des frontières, étayées par des systèmes informatiques modernes et des agences plus efficaces. Il vise à réduire le nombre d’itinéraires dangereux et irréguliers et à promouvoir des voies d’accès sûres et légales pour les personnes ayant besoin d’une protection. Il tient compte du fait que la plupart des migrants arrivent dans l’Union par des voies légales, et qu’il conviendrait de mieux faire correspondre ces arrivées aux besoins du marché du travail de l’Union. Il renforcera en outre la confiance dans les politiques de l’Union en remédiant aux déficits de mise en oeuvre. Cette réponse commune doit inclure les relations de l’UE avec les pays tiers, étant donné que les dimensions intérieure et extérieure de la migration sont indissociables: une collaboration étroite avec les pays partenaires a une incidence directe sur l’efficacité des politiques menées au sein de l’Union. S’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière, lutter contre le trafic de migrants, aider les réfugiés résidant dans des pays tiers et soutenir une migration légale maîtrisée sont des objectifs précieux tant pour l’Union que pour nos partenaires, qu’il convient de poursuivre dans le cadre de partenariats globaux, équilibrés et adaptés. Aux fins de l’élaboration du nouveau pacte, la Commission a mené des consultations techniques et de haut niveau avec le Parlement européen, l’ensemble des États membres et un large éventail de parties prenantes allant de la société civile aux entreprises, en passant par les partenaires sociaux. Le nouveau pacte a été façonné par les enseignements tirés des débats interinstitutionnels qui se sont déroulés depuis les propositions de la Commission de 2016 visant à réformer le régime d’asile européen commun. Il préservera les compromis déjà dégagés sur les propositions existantes et ajoutera de nouveaux éléments pour assurer l’équilibre nécessaire dans un cadre commun, en réunissant tous les aspects de la politique d’asile et de migration. Il comblera les écarts entre les diverses réalités rencontrées par les différents États membres et favorisera la confiance mutuelle en produisant des résultats grâce à une mise en oeuvre effective Des règles communes sont essentielles, mais elles ne suffisent pas. L’interdépendance des États membres rend également indispensable une mise en oeuvre complète, transparente et cohérente sur le terrain.
Le nouveau pacte sur la migration et l’asile:
une gestion rigoureuse et équitable des frontières extérieures, y compris des contrôles d’identité, sanitaires et de sécurité;
des règles équitables et efficaces en matière d’asile, la rationalisation des procédures d’asile et de retour;
un nouveau mécanisme de solidarité pour les situations de recherche et de sauvetage, de pression et de crise;
un renforcement de la prospective, de la préparation et de la réaction aux crises;
une politique efficace en matière de retour et une approche des retours coordonnée au niveau de l’Union;
une gouvernance globale au niveau de l’UE pour une meilleure gestion et une meilleure mise en oeuvre des politiques en matière d’asile et de migration;
des partenariats mutuellement bénéfiques avec les principaux pays tiers d’origine et de transit;
la mise en place de voies d’accès légales et durables pour les personnes ayant besoin d’une protection et pour attirer les talents dans l’Union; et
des mesures en faveur de politiques d’intégration efficaces.
Un cadre européen commun pour la gestion de la migration et de l’asile
Depuis la crise des réfugiés de 2015-2016, les défis ont changé. Les flux mixtes de réfugiés et de migrants se sont traduits par une plus grande complexité et un besoin accru de mécanismes de coordination et de solidarité. L’Union et les États membres ont considérablement renforcé leur coopération en matière de politique de migration et d’asile. Dans les réponses qu’ils ont apportées à la situation récente dans le centre d’accueil de Moria, les États membres ont su partager les responsabilités et faire preuve de solidarité dans l’action. Le plan de la Commission visant à travailler avec les autorités nationales à un projet pilote commun de nouveau centre d’accueil illustre la manière la plus opérationnelle dont la coopération peut s’exercer. Pour soutenir la mise en oeuvre de ce projet pilote commun, la Commission créera une task force intégrée avec les États membres et les agences de l’Union. Toutefois, des mesures ponctuelles ne peuvent apporter de solution durable et des faiblesses structurelles majeures subsistent, tant au niveau de la conception que de la mise en oeuvre. Les incohérences entre les régimes nationaux d’asile et de retour, ainsi que les insuffisances constatées dans la mise en oeuvre, ont mis en lumière des inefficacités et suscité des inquiétudes quant à l’équité. Dans le même temps, le bon fonctionnement de la politique de migration et d’asile au sein de l’Union requiert également une coopération renforcée en matière de migration avec des partenaires extérieurs à l’Union..Télécharger.⇒ La suite
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