Mali: un faux communiqué annonçant la rupture par le Mali de ses relations…avec la France, ainsi qu’ avec la CEDEAO et l’UEMOA, enflamme la toile
Les infox pullulent sur les réseaux sociaux sur fond de tensions avec la FranceIl s’agit d’un « fake ».
Un faux communiqué signé de la main du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien, et qui annonçait la rupture par le Mali de sa coopération militaire, diplomatique et économique avec la France, ainsi que ses relations avec la CEDEAO et l’UEMOA, a fait le tour de la toile ce lundi.
La « fake news » (fausse information) avait été répercutée par de nombreux médias
« Ce communiqué est un fake, à en croire le conseiller technique Alassane Souleymane Maïga » ajoute la même source, qui affirme qu’il s’agit d’un document « truffé de fautes souvent élémentaires ».
La publication de ce faux communiqué intervient au moment où les relations entre la France et la Mali se sont considérablement dégradées ces derniers mois avec l’annonce, par Paris, de la fin de l’opération Barkhane.
Faux Communiqué N°13 du gouvernement de transition face à la France la CEDEA et l’UEMOA
Les infox pullulent sur les réseaux sociaux sur fond de tensions avec la France
Depuis début octobre, le service d’investigation numérique de l’AFP a repéré cinq infox particulièrement virales qui portent majoritairement sur les agissements supposés des troupes françaises. En réalité, le « haut cadre » français prétendument arrêté avec de l’héroïne était un ressortissant nigérian ; la photo de militaires russes avait, elle, été prise à Moscou en 2015. Une autre publication prétendait à tort qu’un avion français avait été intercepté par l’armée malienne sur « renseignement russe ».
« Il y a une aggravation » de la désinformation au Mali, confirme Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network. « C’est vraiment la surenchère diplomatique qu’il y a eu récemment entre la France et les autorités maliennes qui en est à l’origine », ajoute-t-elle.
Des infox plus nombreuses que jamais
« Les fake news n’ont jamais été aussi nombreuses dans l’actualité politique au Mali que pendant cette transition » démarrée après le coup d’État d’août 2020, abonde Boubacar Haidara, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) de Sciences Po Bordeaux et chargé de cours à l’université de Ségou (Mali).
Les colonels qui ont renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta se sont engagés à organiser des élections pour rendre le pouvoir aux civils en février 2022, sous pression de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et de nombreux partenaires du Mali, dont la France.
La France, qui a engagé son armée en 2013 au Mali afin d’enrayer la progression des djihadistes, a vivement critiqué la gestion du pays par la junte. Des critiques censées justifier le possible recours par Bamako à la société paramilitaire privée russe Wagner, décrite comme proche du président russe Vladimir Poutine.
Tous les experts interrogés s’accordent pour dire qu’il est très difficile d’identifier qui se cache derrière les fausses informations. Boubacar Haidara cite les « vidéomans », ces internautes qui diffusent sur leurs pages Facebook des vidéos « pro-junte et anti-France » très virales. Kalilou Sidibé, universitaire de l’African Security Sector Network, évoque « des Maliens, mais aussi des activistes qui se disent panafricanistes » favorables à l’arrivée des Russes de Wagner.
Michael Shurkin, directeur des programmes mondiaux de la société de conseil 14 North Strategies, basée à Dakar, suspecte néanmoins qu’une partie de ces infox soit orchestrée par la Russie. « Les Russes diffusent de la propagande pour envenimer les relations franco-africaines », affirme-t-il. « Indépendamment de qui est derrière ces récentes infox, elles s’alignent clairement avec les intérêts russes. »
Bataille informationnelle
Depuis plusieurs mois, une bataille informationnelle fait rage au Mali et plus largement au Sahel entre comptes pro-français et pro-russes. Fin 2020, Facebook a supprimé trois réseaux de « trolls » gérés depuis la Russie et la France, dont un avait des liens avec des personnes associées à l’armée française. Paris avait alors affirmé ne « pas être en mesure d’attribuer d’éventuelles responsabilités ».
Le ministère français des Armées doit présenter mercredi sa doctrine de lutte informationnelle pour combattre les fake news visant à décrédibiliser ses opérations. Actuellement, les experts interrogés affirment voir peu ou pas de fausses informations visant à soutenir la France au Mali. « La tendance c’est : la France, qu’elle dégage, Wagner a la solution », reprend Boubacar Haidara.
Si les infox russo-françaises sont les plus visibles sur les réseaux sociaux, de très nombreuses autres, dont la quantité est plus difficilement quantifiable, circulent via des services de messagerie cryptée comme WhatsApp. Or pour Kalilou Sidibé, la propagation de ces fausses informations a pour conséquence la « fragilisation du pays ».
«Le public cible [de ces infox], souvent les jeunes qui sont sur leur portable, n’a pas les bases fondamentales pour vérifier une information, et se fait avoir*», constate Modibo Fofana, journaliste et président de l’Association professionnelle de la presse en ligne malienne.
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