By: Dr Abdellah Boussouf
La France connaît depuis la dernière décennie de grandes tensions sociales et des tentatives de contournement de nombreux droits et acquis sociaux et des droits de l’homme, avec l’attribution de grands espaces médiatiques aux propagateurs de haine et de diabolisation de l’Autre, comme les immigrés et l’islam. Le tout accompagné d’une expansion de l’extrême droite dans les conseils régionaux, au Parlement et lors des élections présidentielles françaises.
Tout cela n’est pas le fruit du hasard. Il est vrai que l’extrême droite vit ses beaux jours depuis 2015 dans plus d’un pays occidental. Mais la France, sous le président Emmanuel Macron, a enregistré un dangereux recul face aux courants extrémistes, que ce soit au niveau des théories intellectuelles complotistes ou à travers ses politiques publiques, notamment dans les banlieues où résident majoritairement les immigrés.
De nombreux observateurs ont estimé que le retrait de la chancelière allemande Angela Merkel de la politique avait grandement affecté les performances de Macron et lui avait fait perdre l’équilibre, notamment au niveau de la politique étrangère française. Alors qu’il se tenait impuissant face au retrait britannique et américain de l’accord sur les sous-marins australiens d’une valeur de 35 milliards. d’euros, Macron s’est contenté de rappeler son ambassadeur à Washington pour consultations et d’une indemnisation par l’Australie de la société française, Naval, à hauteur de 585 millions d’euros. Il a également arrêté sa série de consultations avec la Russie qu’il avait entamée en 2019, alors qu’il avait tenté de jouer le rôle de médiateur auprès du président russe Vladimir Poutine au début de la guerre d’Ukraine. Il a même utilisé cette posture de médiateur au second tour des élections présidentielles face Marine Le Pen, se présentant comme la seule personne capable de dialoguer avec Poutine et défendre l’Europe, qualifiant même ce second tour de la présidentielle de référendum européen.
Pourtant, à mesure qu’on parle de la politique étrangère française et de ses cuisines qu’abritent le Quai d’Orsay, on voit qu’il faut se référer au ministre des Affaires étrangères de Macron, Jean-Yves Le Drian (mai 2017 à avril 2022), qui a tenu aussi le portefeuille de la Défense sous le président socialiste François Hollande.
Est-ce à dire que la France fonde ses amitiés et sa politique étrangère sur le volume des achats d’armes français ?
La visite du chef d’état-major de l’armée algérienne Saïd Chanegriha est-elle un exemple ?
Comment expliquer que le premier déplacement de la nouvelle ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna en Afrique ait été avec le ministre de la Défense Sébastien Lecornu ?
Des interrogations s’élèvent également sur la réalité des relations tendues entre le Premier ministre italien Meloni et Macron sur les dossiers libyens et l’expansion des entreprises italiennes en Algérie, notamment la société ENI, qui semble avoir coupé l’herbe sous le pied des Français, société Total-Energy, en plus des dossiers de l’Ukraine, de l’OTAN et de l’immigration.
Malgré sa signature d’accords de partenariat stratégique avec le gouvernement de Mario Draghi en 2021 et avec Pedro Sanchez en 2022, il a surpris tout le monde en rejetant le projet Medcat liant le Portugal, l’Espagne, la France et l’Allemagne, lors du sommet euro-méditerranéen qui s’est tenu dans la iille espagnole d’Alicante en décembre 2022. Des zones d’ombre subsistent dans ses relations avec l’Allemand Olaf Scholz , mais il signera avec le nouveau Premier ministre britannique “Rishi Sunak” en octobre 2022 un accord pour limiter l’immigration outre-Manche en échange de 95 millions de dollars versés par Londres à Paris.
Nous ne révélerons pas un secret sur la rivalité politique entre le président turc Erdogan et Macron dans les dossiers de la Syrie et de la Libye et la médiation dans la guerre ukrainienne, et enfin la présence turque dans les pays sahéliens au sud du Sahara, que ce soit sous couvert d’investissements ou de religion à travers le prédicateur Mahmoud Dicko.
Cependant, l’équilibre de la politique étrangère française va se détériorer que ce soit dans sa relation avec les États du Golfe, où le marchandage balance entre rapports sur les droits de l’homme, contrats d’armement et injection d’argent dans l’économie française en rachetant des entreprises en faillite, ou dans sa relation avec ses anciennes colonies africaines. Il a par exemple laissé la Tunisie seule face à son sort et vulnérable, dévorée par le régime algérien qui la considère comme une wilya algérienne. Cela a incité l’élite tunisienne à critiquer la manière grossière dont le régime algérien a traité les déclarations concernant la situation intérieure de la Tunisie lors de la visite du président algérien Tebboune à Rome ou lors de la visite de Georgia Meloni en Algérie.
L’affaire de la militante et activiste algéro-française Amira Bouraoui a provoqué de sacrés remous dans les relations franco-algériennes à l’horizon de la prochaine visite du président algérien Tebboune à Paris en mai, à quelques jours après la fin de la visite de Saïd Chanegriha à Paris en janvier dernier. L’une de ses conséquences a été la destitution du président tunisien Kaïs Saïed de son ministre des Affaires étrangères, dont la politique étrangère étant de plaire à Alger, qui a convoqué son ambassadeur à Paris pour consultations en guise de protestation.
Mais Paris s’est habitué aux protestations du régime militaire algérien, qu’il s’agisse de dossiers de mémoire commune, de restitution de crânes, de refus d’excuses ou de visas. Le président Tebboune ira humilié à Paris en mai prochain. Il signera des accords économiques avec de nouvelles concessions au dépend des Algériens afin de se acheter pour sa proximité avec la Russie et le groupe Wagner, et octroiera de nouvelles faveurs à Total Energy pour investir dans le gaz naturel algérien et le pétrole à des prix préférentiels et avec des contrats à long terme.
Il jurera devant les objectifs des médias français qu’il est un partenaire fiable et que le gaz de Sonatrach est à la disposition de la société française Total Energy, en échange de la non organisation de campagnes médiatiques françaises contre le régime militaire, et d’une bienveillance des députés du parti de Macron au Parlement européen à voter pour les intérêts du régime militaire algérien.
De nombreux observateurs ont qualifié la politique étrangère française d’arrogante et qu’elle s’inspire de son ancien passé colonial dans ses relations avec les pays africains, ce qui lui a apporté de nombreuses difficultés à une époque marquée par une énorme révolution numérique et technologique.
L’influence de la France a beaucoup diminué dans les pays d’Afrique de l’Ouest et de nombreux pays ont exigé la sortie du système de la monnaie unique du franc français et la diversification des partenaires économiques. Plus que cela, certains pays du Sahel ont exigé que les armées françaises quittent le pays, et d’autres ont signé avec le groupe russe Wagner lui permettant d’être présent sur leurs terres, tandis que sept coups d’Etat militaires ont été enregistrés en six pays du Sahel sub-saharien, où la population locale considérait les militaires putschistes, soit comme des sauveurs, soit comme les moins nuisibles. Cela signifie un grand échec de la politique étrangère française dans les pays du sud du Sahel saharien et un avertissement fort de la nécessité de changer de politique, en parallèle avec une nouvelle génération de dirigeants africains et les aspirations des peuples africains d’exploiter leurs ressources naturelles dans des programmes de développement économique et social.
Est-ce la nomination de l’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères, (70 ans), Jean-Yves Le Drian, à la tête de l’Institut du monde arabe en place Jack Lang (83 ans) en mars prochain par le président Macron, avec la recommandation du Conseil d’administration de l’IMA, l’Institut, une continuation de la consolidation d’une même idéologie politico-militaire dans ses relations avec les pays arabes et ses anciennes colonies ?
Ce qui est certain, c’est que la France est riche de ses penseurs, de ses intellectuels et ses personnalités médiatiques, ainsi que de sa Charte des droits de l’homme et du citoyen. Cette élite est chargée d’informer les responsables du Quai d’Orsay que l’Afrique des années 1950 et 1960 n’est pas l’Afrique du XXIe siècle et que la révolution technologique a permis aux peuples africains d’élargir leurs connaissances et de définir leurs objectifs. Et surtout qu’ils sont maîtres d’eux-mêmes, et que l’ère de la tutelle et de la subordination appartiennent au passé.
Dr. Boussouf Abdellah, historien, a soutenu une thèse de doctorat sur les relations dans le bassin méditerranéen au XIIIème siècle en 1991.
En 1993, il était président de l’association de la mosquée de l’impasse de Mai de Strasbourg. On lui doit la construction de la Grande mosquée de Strasbourg. Il s’agit du premier lieu conçu dès l’origine pour le culte musulman à Strasbourg. Boussouf a fait voter le projet au parlement européen en novembre 1996.
En 2002, il a été élu Vice-président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM).
En 2006, il est parti pour la Belgique, à l’institut d’études islamiques de Bruxelles. Il a également occupé le poste de directeur du Centre Euro-islamique pour la culture et le dialogue, basé à Charleroi (Belgique).
En 2007, il a été nommé par sa majesté Secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger CCME. Poste qu’il occupe jusqu’à aujourd’hui.
Boussouf prône un islam modéré et un dialogue ouvert entre les religions et les civilisations. Dans ses nombreuses interventions nationales et internationales, Boussouf ne cesse d’inviter à la découverte de l’Autre et au rapprocheme
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