Malgré la quantité de gaz algérien, le Maroc, grâce aux initiatives de Rabat, connaîtra une croissance plus rapide que ses voisins d'ici 2023.
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La Banque mondiale anticipe un ralentissement net et durable de l'activité économique à l'échelle mondiale qui va frapper durement les pays en développement. Dans ce tableau sombre, le Maroc ferait exception avec une accélération de la croissance à 3,5% en 2023 et 3,7% en 2024, sous l'effet notamment de la reprise du secteur agricole mais également des dépenses publiques qui compenseraient en partie la faiblesse de la consommation des ménages due à l'inflation élevée.
La croissance mondiale marque fortement le pas. Elle devrait s'établir à 1,7% cette année, puis à 2,7% en 2024, contre 2,9% en 2022 et 5,9% un an plus tôt. Cette évolution s'explique par l’effet de l'inflation, de la hausse des taux d'intérêt, de la diminution des investissements et des perturbations causées par la guerre entre l'Ukraine et la Russie. C'est ce qui ressort des dernières Perspectives économiques mondiales publiées par la Banque mondiale. Celle-ci a ainsi revu à la baisse la croissance mondiale pour cette année (3% prévu il y a six mois). Elle anticipe un ralentissement marqué et généralisé, les prévisions étant également revues à la baisse pour 95% des économies avancées et près de 70% des économies de marché émergentes et en développement.
Au Maroc, le secteur agricole se remettra progressivement de la sécheresse selon la BM
Dans ce tableau sombre dressé par l'institution de Bretton Woods, le Maroc serait parmi les rares pays à faire exception. La croissance économique nationale devrait, en effet, s'accélérer pour atteindre 3,5% en 2023 (soit un taux inférieur de 0,8 point aux projections précédentes) et 3,7% en 2024, «le secteur agricole se remettant progressivement de la sécheresse de l'année dernière». Et «les dépenses publiques devraient compenser en partie la faiblesse de la consommation des ménages due à l'inflation élevée», souligne le rapport d'environ 170 pages publié en anglais, avec des synthèses régionales. Selon ses auteurs, ce rebond interviendra alors que l’économie marocaine a fortement décéléré au premier semestre 2022 en raison de la sécheresse et de la hausse des prix de l'énergie, partiellement compensée par une reprise des services dopée par le secteur du tourisme. Le rapport rappelle que l'inflation repart à la hausse en novembre : 8,3% en glissement annuel, son plus haut niveau depuis les années 1990. La croissance au Maroc devrait ainsi s'établir à 1,2% pour 2022, après 7,9% en 2021.
Pour 2023, le Maroc fera ainsi mieux que la moyenne mondiale, de celle de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (croissance cumulée de 2023 et 2024) ou encore des pays émergents et en développement.
En comparaison, l'Algérie devrait connaître une croissance de 2,3 % d'ici 2023. Malgré les prix élevés du pétrole et du gaz, la Banque mondiale prévoit également un ralentissement de la croissance en Algérie, qui devrait atteindre 1,8 % en 2024. Contrairement au royaume alaouite, qui prévoit une croissance de 3,7 % d'ici 2024, l'agence a expliqué la situation de l'Algérie par la forte dépendance du pays aux hydrocarbures.
Ce scénario n'est pas une coïncidence. Dans un monde de plus en plus géopolitique, chaque décision compte, et compte pour beaucoup.
Le Royaume du Maroc se caractérise par une économie diversifiée et a réussi à s’intégrer dans l’économie mondiale, en s’ouvrant au monde extérieur, notamment à l’Ouest, aux monarchies du Golfe, à l’Afrique anglophone, à la Russie et à la Chine. Certes, le pays peut se targuer d’un système politique stable, remontant aux temps médiévaux, principale condition pour attirer les investissements étrangers. Le Royaume du Maroc est l’une des économies à la croissance la plus rapide des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, avec une moyenne d’environ 4,5 % sur les 15 dernières années (avant la crise engendrée par le Covid).
En effet, en excluant la Chine, la croissance des économies de marché émergentes et en développement devrait ralentir de 3,8% en 2022 à 2,7% en 2023, en raison d'une demande extérieure nettement plus faible conjuguée à une forte inflation, des dépréciations monétaires, un resserrement des conditions de financement et d'autres difficultés intérieures. Pour la région MENA, le PIB (Produit intérieur brut) devrait ralentir à 3,5% en 2023 et à 2,7% en 2024. Cette baisse est principalement due à l'essoufflement du rebond dans les pays exportateurs nets de pétrole, où la croissance devrait tomber à 3,3 et 2,3% en 2023 et 2024, respectivement, contre 6,1% en 2022. Dans les pays importateurs nets de pétrole de la région, la croissance resterait stable en 2023-2024, à un peu plus de 4% par an. En Afrique du Nord, le Maroc se distinguerait aussi. Le Royaume fera mieux que l'Algérie (+2,3% en 2023 et +1,8% en 2024) et la Tunisie (+3,3% et +3,6%).
La région MENA reste exposée à des risques de dégradation
La Banque mondiale alerte, toutefois, que les perspectives de croissance pour la région MENA restent exposées à des risques de dégradation. Les retombées d’un fléchissement de l'activité encore plus marqué chez ses principaux partenaires commerciaux, le durcissement des conditions financières mondiales, l'augmentation des risques liés au climat et la montée des tensions sociales sont autant de facteurs susceptibles d'entraîner de nouvelles contractions économiques et une hausse de la pauvreté. La détérioration des conditions financières ou économiques mondiales et nationales pourrait provoquer une crise dans les économies présentant d'importants déséquilibres macroéconomiques.
«La crise qui menace le développement s'aggrave à mesure que les perspectives de croissance mondiale se dégradent», déclare David Malpass. Selon le président du groupe de la Banque mondiale, les économies émergentes et en développement connaissent depuis plusieurs années une croissance en berne en raison d'un lourd endettement et d'investissements insuffisants, car les capitaux mondiaux sont absorbés par les économies avancées confrontées à des niveaux de dette publique extrêmement élevés et à des taux d'intérêt en hausse. La faiblesse de la croissance et des investissements des entreprises aggravera les reculs déjà dévastateurs dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la réduction de la pauvreté et des infrastructures, ainsi que les nécessités liées au changement climatique. Au Maroc, alors que la dette publique reste élevée, les Sovereign risk spreads (le spread souverain est une marge qui s'applique à un État dès lors qu'il souhaite emprunter des capitaux sur les marchés de capitaux) se sont élargis mais restent gérables, tandis que le dirham s'est déprécié d'environ 6% par rapport au dollar américain et à l'euro entre juin et décembre.
Le rapport fournit en outre la première évaluation complète des perspectives à moyen terme de la progression de l'investissement dans les économies de marché émergentes et en développement. Sur la période 2022-2024, l'investissement brut dans ces pays devrait augmenter d'environ 3,5% en moyenne, soit moins de la moitié des taux observés au cours des deux décennies précédentes. Le rapport suggère aussi aux décideurs politiques différentes options pour accélérer la croissance de l'investissement.
«Le niveau peu élevé des investissements est très préoccupant, parce qu’il s’accompagne d’un faible niveau de productivité et d’échanges commerciaux et qu’il assombrit les perspectives économiques globales. Sans une croissance forte et soutenue de l'investissement, il est tout simplement impossible de faire des progrès significatifs dans la réalisation des objectifs de développement et de lutte contre le changement climatique», souligne Ayhan Kose, directeur de la cellule Perspectives de la Banque mondiale. Selon cet économiste, les politiques visant à stimuler les investissements doivent être adaptées aux circonstances nationales, mais il faut toujours commencer par la mise en place des cadres budgétaires et monétaires solides et la mise en œuvre de réformes globales du climat d'investissement.
L'entrée de l'économie mondiale en récession reste probable
À noter que ces prévisions de croissance mondiale risquent de se dégrader. Selon le rapport, compte tenu de la précarité de la situation économique, toute nouvelle évolution défavorable - comme une inflation plus élevée que prévu, une hausse brutale des taux d'intérêt pour la contenir, une résurgence de la pandémie de Covid-19 ou une escalade des tensions géopolitiques - pourrait faire entrer l'économie mondiale en récession. Ce serait la première fois en plus de 80 ans que deux récessions mondiales se produiraient au cours de la même décennie. Déjà la croissance des économies avancées devrait chuter de 2,5% en 2022 à 0,5% en 2023. Ces deux dernières décennies, des ralentissements de cette ampleur étaient annonciateurs d'une récession mondiale. Aux États-Unis, la croissance devrait tomber à 0,5% en 2023 ; ce taux constituera la plus faible performance enregistrée par ce pays depuis 1970, en dehors des épisodes officiels de récession. En 2023, la croissance de la zone euro devrait être nulle, ce qui correspond à une révision à la baisse de 1,9 point de pourcentage. La Chine quant à elle devrait enregistrer une progression de 4,3% en 2023, soit 0,9 point de moins que les prévisions précédentes.
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