AFPABDIRAZAK HUSSEIN FARAH – Des soldats somaliens à côté du lieu d’un attentat à la voiture piégée à Mogadiscio le 28 décembre 2019.
Les luttes intestines en Somalie font au moins 11 morts… Les forces fédérales somaliennes ont affronté les forces de sécurité à Jubaland.
La guerre civile somalienne a commencé, selon les sources, au mois d’avril 1978 avec l’éclatement de violences tribales contre le président Siad Barre, ou le 26 janvier 1991 avec la chute de ce dernier et l’effondrement de l’État somalien. Ce dernier ne s’est jamais relevé et la guerre civile est toujours en cours aujourd’hui…
La Somalie occupe une place toute particulière sur le continent africain depuis 1991. Livrée à la voracité des chefs de guerre, abandonnée par la communauté internationale après l’échec de la mission des Nations unies, elle tente de sortir d’une situation complexe où s’entremêlent intérêts personnels, claniques et agendas de puissances étrangères. Après avoir été longtemps négligée, cette « zone grise » de la planète est revenue sous les projecteurs de l’actualité, suite aux attentats du 11 septembre 2001 et à l’inscription par Washington de nombreux ressortissants ou sociétés d’origine somalienne sur sa liste des soutiens au terrorisme. Néanmoins, ce retour sur le devant de la scène n’a fait que compliquer la recherche d’un règlement à la crise qui touche la Somalie et, bien au-delà, une région, la Corne de l’Afrique, qui est traversée par de nombreux conflits et une multitude de rivalités internes. La dégradation d’une situation – qui puise ses racines au début de la décennie 1980 – amène à s’interroger sur les origines, les protagonistes et l’existence même de solutions viables pour mettre un terme au chaos qui prévaut à Mogadiscio.
La Somalie tente toujours de progresser vers la stabilité, mais les éléments qui s’y opposent sont trop nombreux. Outre la lutte contre le terrorisme menée par Al-Shabaab et la piraterie dans l’océan Indien, qui part généralement de ses côtes, il y a aussi la fragilité de la situation intérieure. La Somalie a un caractère fédéral, en raison de la tension qui existe entre plusieurs des États qui composent son territoire, comme le Somaliland, le Puntland et le Jubaland.
Les affrontements auraient eu lieu dans la ville de Balad Hauo, à la frontière avec le Kenya. L’attaque aurait commencé dimanche, lorsque des hommes armés liés au ministre de la sécurité du Jubaland, Abdirashid Janan, ont attaqué plusieurs complexes militaires de l’armée fédérale somalienne, qui contrôle la ville depuis un an.
Suite aux attaques, les administrations du Jubaland et de la Somalie prétendent contrôler la ville. Selon le ministère somalien de l’information, les forces armées somaliennes ont repoussé les attaques, arrêtant plus d’une centaine d’agresseurs et tuant plusieurs d’entre eux, dont l’un des chefs de police de la ville, Mohamed Abdinur. Au moins 11 personnes ont été tuées au cours de l’attaque, dont quatre enfants.
Le conflit entre les autorités du Jubaland et le gouvernement fédéral de Somalie s’éternise. En fait, le ministre de la sécurité susmentionné a été arrêté en 2019 par les troupes somaliennes, bien qu’il ait réussi à s’échapper et à se réfugier au Kenya.
Précisément, depuis Mogadiscio, le pays voisin est accusé d’être chargé d’armer ces groupes et de soutenir des attaques comme celle qui a eu lieu ces jours-ci. Pour cette raison, la Somalie a rompu ses relations avec le Kenya en décembre dernier, provoquant une nouvelle crise politique et diplomatique dans la région qui s’est terminée, pour l’instant, par l’expulsion de l’ambassadeur kenyan en Somalie. Mogadiscio accuse Nairobi d’interférer dans le processus électoral du Jubaland.
Le Kenya nie tout lien avec l’attaque. Son ministre de la sécurité a souligné qu’aucune troupe n’a franchi la frontière de la Somalie et qu’il s’agit d’une question interne au pays. Le ministère des affaires étrangères, pour sa part, a exprimé son inquiétude face à l’augmentation des tensions et de la violence, ce qui favorise grandement la propagation du terrorisme.
La Corne de l’Afrique se trouve dans une situation de stabilité croissante, bien qu’elle ait traversé une étape qui invite à l’optimisme, car à la situation en Somalie s’ajoutent les dénonciations du Kenya, la tension et les affrontements entre le Soudan et l’Ethiopie, et l’instabilité interne dans laquelle se trouve cette dernière.
La Somalie est confrontée à un important processus électoral le 8 février, après avoir été reporté en décembre en raison d’une série de divergences. Le gouvernement somalien n’a pas pu parvenir à un accord avec l’opposition sur la composition du conseil électoral, qui devrait être chargé de veiller au bon déroulement des élections. Le terrorisme et les affrontements internes tels que celui de Balad Hauo ne font que rendre plus difficile la poursuite des réformes dans le pays.
La Somalie rompt ses relations diplomatiques avec le Kenya
La Somalie a rompu mardi 15 décembre 2020 ses relations diplomatiques avec le Kenya, qu’elle accuse d’ingérence, alors que Mogadiscio se prépare à des élections pour désigner ses députés et son président, a-t-on appris de source officielle. « La Somalie appelle tous ses diplomates en poste au Kenya à rentrer au pays et a ordonné aux diplomates kényans en Somalie de quitter le pays d’ici sept jours« , a déclaré le ministre somalien de l’Information Osman Abukar Dubbe lors d’une conférence de presse. La décision de rompre les relations diplomatiques intervient alors que le président kényan Uhuru Kenyatta, reçoit depuis lundi à Nairobi le président de la région somalienne autoproclamée indépendante du Somaliland, Muse Bihi Abdi. Mogadiscio considère que le Somaliland fait partie intégrante de la Somalie et toute visite officielle des autorités somalilandaises à l’étranger suscite systématiquement la colère du gouvernement somalien.
Un avenir : oui… mais lequel ?
Pour parvenir à une stabilisation du pays, les Somaliens vont devoir surmonter quatre problèmes majeurs :
1. le choix du système politique, c’est-à-dire l’instauration par tous d’un système fédéral regroupant de nombreuses entités. Cela signifie que soit les différents acteurs à la crise acceptent de surmonter leurs agendas contradictoires, soit que les Somaliens finissent par rejeter d’eux-mêmes les ingérences extérieures (ce qui semble être l’option la plus probable). Le système fédéral n’excluant pas une administration centrale, un compromis pourrait être trouvé ; 2. la répartition des postes et prébendes entre les différents acteurs (mais cela ne semble pas insurmontable à terme) ; 3. le contrôle des mouvements islamistes radicaux qui s’opposent à toute conception politique qui ne favoriserait pas l’établissement à terme d’une république islamique ; 4. enfin et surtout la démilitarisation et la réinsertion des jeunes qui n’ont connu que la guerre civile, sont devenus asociaux et ne vivent, bien souvent, que par la violence. Il faudra, pour cela, parvenir à les désarmer, ce qui est une tâche extrêmement difficile.
Pour parvenir à cela, il faut que l’intérêt renaissant de la communauté internationale pour la Somalie, ne se limite pas au simple cadre de la lutte contre le terrorisme et ne soit pas une nouvelle source de financement pour les différents camps. Dans ce cas, elle retarderait, de nouveau, la mise en place d’un processus viable de reconstruction du pays et favoriserait une accentuation des ingérences extérieures.
Avec, autres presses.
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