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L’Algérie: un pays dirigé par l’armée. L'armée e(s)t le pouvoir


Quand le peuple algérien fête l’"indépendance" en juillet 1962, les organismes du FLN se préparaient à un affrontement fratricide pour le pouvoir. Ferhat Abbas parlait de cet épisode comme étant « l’indépendance confisquée », mais au-delà de cette formule passée à la postérité, qu’en est-il réellement ? La lutte qui opposa le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne) à l’EMG (État-major général), peut-elle se résumer à un coup de force spontané du colonel Boumédiène, ou ne serait-elle pas plutôt l’aboutissement d’une lutte pour le pouvoir engagée dès 1956 ?

L’armée algérienne est l’héritière de la fraction de l’ALN (Armée de libération nationale), qui constituait l’«armée des frontières». Stationnée en Tunisie et au Maroc durant la guerre d’Algérie, elle ne combattit pas les Français, et cela, à la différence de l’ALN de l’intérieur qui opérait dans les djebels et qui fut quasiment anéantie. Dès l’"indépendance", le clan d’Oujda, conduit par Ben Bella, Boumediene et Bouteflika, s’empare du pouvoir par la force en s’appuyant sur l’armée des frontières. La révolution est trahie et toutes ses structures et instances sont dissoutes au profit d’un clan qui impose un système despotique dans lequel l’état-major décide de tout. Un système toujours en place. Les maquisards de l’intérieur épuisés par 7 ans de guerre contre le colonialisme, ont essayé de résister dans un combat inégal face à l’armée de Boumediene, composée dans sa majorité de militaires dont aucun n’a tiré une seule balle contre l’armée française. Boumediene et ses troupes fraîches arrivées de Tunisie, aidés par les fameux déserteurs de l’armée française (les DAF), mettent beaucoup de zèle pour combattre les maquisards qui refusent la confiscation du pouvoir par ce son clan usurpateur. Dans ce combat inégal, des milliers de vrais maquisards et de civils sont tombés au champ d’honneur notamment dans la wilaya 4 et la région kabyle.


Des centaines de maquisards sont arrêtés et torturés dans les mêmes locaux et avec les mêmes méthodes utilisées par les tortionnaires : Massu, Bigeard et Aussaresses.

Les chefs historiques de la révolution sont éliminés physiquement, jetés en prison ou poussés à l’exil. Boumediene installe un pouvoir absolu aidé dans sa sale guerre contre la révolution par des capitaines et commandants issus du clan des DAF qui finiront par prendre les commandes du pays 30 ans après. Parmi eux, les futurs généraux : Khaled Nezzar, Larbi Belkheir, Mohamed Touati, Mohamed Lamari…

Durant des décennies, l’Algérie fut en quelque sorte la possession de la caste militaire, le pays étant dirigé par une petite centaine de généraux constituant le niveau supérieur de la nomenklatura nationale. L’armée contrôlait tout le pays à travers une clientèle d’obligés ou d’associés civils. L’élection d’Abdelaziz Bouteflika en 1999 marqua le recul provisoire de l’influence des militaires.

Longtemps véritable «Etat dans l’Etat», l’armée algérienne est le produit d’une histoire complexe. Elle est l’héritière de la fraction de l’ALN (Armée de libération nationale), qui constituait l’«armée des frontières». Stationnée en Tunisie et au Maroc durant la guerre d’Algérie, elle ne combattit pas véritablement les Français, et cela, à la différence de l’ALN de l’intérieur qui opérait dans les djebels et qui fut quasiment anéantie à la suite du Plan Challe et des opérations «Jumelles» et «Pierres précieuses».

Or, ce fut cette ALN de l’extérieur qui profita de l’indépendance. Instrument docile entre les mains de son chef, le colonel Houari Boumédiène, elle prit officiellement le pouvoir en 1965 en renversant Ahmed Ben Bella, puis elle l’exerça ensuite directement ou indirectement jusqu’en 1999, avec la première élection d’Abdelaziz Bouteflika.

Monolithique lorsqu’il s’agissait de défendre ses intérêts de caste, l’armée algérienne fut longtemps divisée en deux grands courants:

  • Le premier était composé des officiers de l’armée française qui avaient déserté pour rejoindre le FLN quand il fut évident que la France allait reconnaître l’indépendance de l’Algérie. Ces hommes qui n’avaient aucune légitimité «patriotique» aux yeux des combattants de l’intérieur furent «récupérés» par le colonel Boumédiène auquel ils apportèrent leur savoir-faire en échange de sa protection et de sa caution. Ils furent ses plus fidèles soutiens, lui permettant d’asseoir durablement son pouvoir en triomphant des cadres survivants issus des maquis. L’un des représentants les plus influents de ce courant est le général à la retraite Khaled Nezzar.

  • Le second grand courant était incarné par les officiers formés dans les pays arabes et qui, à l’image de ce qui se faisait alors en Egypte ou en Syrie, étaient partisans d’une ligne dure à l’égard de l’Occident. Arabophones et marqués par le nationalisme arabe, ils incarnaient un courant révolutionnaire.

Un système despotique toujours en place

Le système imposé par Boumediene repose toujours sur la même configuration du pouvoir et poursuit un même et immuable objectif : maintenir le contrôle total sur le peuple, le pays et ses richesses. Qu’il est triste de constater que 60 ans après l’indépendance, on retrouve dans ce pays les grandes lignes de la structure politique du colonialisme : les Algériens exclus du processus politique, privés de liberté et de leur dignité, humiliés, opprimés, dépossédés de leur mémoire collective et de leur histoire. La Hogra, la violence pathologique de l’état, le mépris, le mensonge, la politique de division, l’oppression psychologique, le mensonge et les techniques de manipulation sont érigés en leviers de gestion de la société.

Aujourd’hui, ces deux ensembles ont «vieilli», mais leurs héritiers forment toujours des clans régionaux ou politiques bien organisés au sein d’une armée algérienne fractionnée en groupes d’intérêt économique divergents. Tous se partagent les fruits du pouvoir et des «affaires», en prenant bien soin de ne pas léser les groupes rivaux. Tandis que les Algériens souffrent socialement, les militaires et leurs familles se ravitaillent dans des magasins qui leur sont réservés, et où il leur est possible de se procurer à des prix préférentiels des marchandises introuvables ailleurs dans le pays, vivent dans des résidences sécurisées et passent leurs vacances dans des clubs qui sont la propriété de l’armée.

Le pouvoir a tout fait pour falsifier l’histoire de notre pays, notamment celle liée à la guerre de libération, il a cherché par tous les moyens à faire oublier les vrais héros et en fabriquer des Zaïms et des Fakhamates. Falsifier l’histoire pour ces Zaîms en carton vise également à empêcher le peuple de mesurer la distance qui sépare les escrocs et usurpateurs du pouvoir avec les vrais héros de la révolution et ce qu’ils incarnent en termes de valeurs et de dévouement.

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