Justice: « devoir conjugal », une femme attaque la France devant la CEDH.
La justice a prononcé en 2019 un divorce à ses torts exclusifs car elle refusait d’avoir des relations sexuelles avec son mari. Elle dépose un recours contre la France devant la CEDH.
Une femme condamnée pour ne pas avoir accompli le « devoir conjugal » poursuit la justice française devant la Cour européenne des droits de l’homme. La cour d’appel de Versailles avait prononcé un divorce à ses torts exclusifs parce qu’elle refusait d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Elle a déposé un recours contre la France.
« C’est une condamnation d’une autre époque. Elle me scandalise. Je la vis comme un déni de justice », explique la plaignante de 66 ans à Mediapart.
La cour d’appel de Versailles avait sanctionné cette femme en 2019 parce qu’elle refusait d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Les juges ont en effet prononcé un divorce à ses torts exclusifs notamment pour ce motif, considérant que ces faits, « établis par l’aveu de l’épouse, constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune« . Cette décision a été validée par la Cour de cassation.
La femme en question a déposé un recours contre la France devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour « ingérence dans la vie privée » et « atteinte à l’intégrité physique« , après que la justice française lui a « imposé » le « devoir conjugal », indiquent mercredi 17 mars deux associations qui la soutiennent.
« Laisser perdurer le devoir conjugal, c’est maintenir un outil d’intimidation pour les agresseurs sexuels au sein du couple », s’indignent les associations.
Cette décision, prononcée par la cour d’appel de Versailles, est jugée « choquante » par la Fondation des femmes et le Collectif féministe contre le viol, qui s’expriment dans un communiqué publié ce mercredi.
Le « devoir conjugal », aboli depuis 1990
Les deux associations, la Fondation des femmes et le Collectif féministe contre le viol, déplorent le fait que la justice française « continue d’imposer le devoir conjugal », « niant ainsi le droit des femmes de consentir ou non à des relations sexuelles ». Elles rappellent que « dans 47% des 94 000 viols et tentatives de viol par an, l’agresseur est le conjoint ou l’ex-conjoint de la victime ».
[COMMUNIQUE DE PRESSE] La France poursuivie parce que sa justice continue d’imposer le « devoir conjugal » 📢 « Le mariage n’est pas et ne doit pas être une servitude sexuelle. » pic.twitter.com/YKlVIptPgL — Fondation des Femmes (@Fondationfemmes) March 17, 2021
D’après Loysel, le mariage était le fait de boire, manger mais aussi d’avoir des relations sexuelles.Plus qu’un simple acte solennel, le passage devant le Maire représente en réalité l’engagement des époux au respect et à l’exécution de devoirs matrimoniaux. Ils s’engagent, entre autres, aux devoirs de fidélité, assistance et de contribution aux charges du mariage (articles 212 et suivants du code civil). Parallèlement, il existe des devoirs non expressément formulés comme le devoir conjugal. Pourtant, le couple se définit aussi comme deux personnes s’aimant et entretenant des relations intimes.
Éclairage jurisprudentiel
Ne pas entretenir des relations charnelles régulières avec sa femme ou avec son mari est constitutif d’une violation des devoirs du mariage. L’époux pourra justifier ce refus du devoir conjugal au travers de certificats médicaux attestant un état dépressif à l’origine de l’abstinence. Pour autant, il ne permettra pas automatiquement à l’époux de « s’exonérer » des relations sexuelles imposées, mais justifiera que le divorce soit prononcé à ses torts exclusifs (Cass. Civ. 17 décembre 1997, n°96-15.704). La jurisprudence pose de facto des conditions pour que le refus du devoir conjugal soit constitutif d’une faute. L’interruption sexuelle doit être prolongée (Cass. Civ. 28 janv. 2015, 13-27.466), à l’initiative d’un seul des époux et étrangère à des raisons médicales.
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