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Impact de la crise du Covid-19 sur le respect et la promotion des droits de l’homme

Le 4 mai 2020, le Comité de la convention sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a ouvert sa 18ème session en ligne. C’est un événement historique, car c’est la première fois qu’un organe de traité organise une session par vidéoconférence (bien entendu à cause des contraintes que la pandémie du Covid-19 a imposé aux réunions des comités). Le texte suivant est une partie de l’allocution du Président du Comité Mohammed Ayat (le texte qui a été diffusé étant la traduction en anglais).

« Conclusion :

Le dernier mot de cette allocution est dédié à la crise du Covid-19. Mon commentaire ne sera pas long. Le monde s’est récemment réveillé, un beau matin, sidéré par un mal qui le frappe et le guette à tout instant, à tous les coins de rue. Un mal invisible, omniprésent et impérieux qu’aucun Etat et aucune autorité n’était préparé à confronter. En réaction, les frontières ont été fermées, entre les Etats et à l’intérieur des Etats. Et dans la plupart des contrées du globe, les gens sont confinés chez eux, d’une façon ou d’une autre, en attendant que la tempête se calme (si on peut s’exprimer ainsi). En même temps, dans un certain nombre de pays, les avions ont cédé leur place à des drones et des satellites indiscrets qui localisent au mètre près les déplacements des personnes. Les mesures adoptées pour faire face à l’urgence suspendent le droit à la libre circulation et bien d’autres droits fondamentaux. Il en résulte aussi dans les faits une distanciation sociale et même parfois une longue séparation physique entre les proches. Et pourtant, tout en étant plus que jamais distants et séparés physiquement, nous n’avons jamais autant réalisé combien nos sorts sont liés les uns aux autres. Et ceci, que l’on soit riches ou pauvres, privilégiés ou défavorisés, se trouvant au Nord ou au Sud de notre planète. C’est pourquoi d’aucuns se plaisent à penser que le monde qui émergera après la crise du Coronavirus portera une couronne sertie de sagesse, de modération, de paix sociale et d’attention portée à l’humain (et donc aux droits de l’homme) bien plus qu’à la croissance matérielle sauvage. On pourra, peut-être ainsi, éviter le naufrage de notre civilisation en lui insufflant un souffle nouveau. Un souffle nouveau et un nouvel élan où les droits fondamentaux de tous les êtres humains seront respectés et garantis ; aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques et socio-culturels. Personnellement j’ai des doutes sur l’existence en ce moment des conditions tout à fait favorables à cette transformation radicale qui semble utopique. Et je crois que même si elle devait effectivement se produire, elle aura besoin de beaucoup de temps pour émerger et prévaloir. Mais ça ne m’empêche pas de me ranger du côté des optimistes et d’épouser activement leur cause. Entre temps, nous devons garder un œil vigilent sur le respect des droits de l’homme ; aussi bien durant le développement de cette crise que lorsqu’elle touchera à sa fin. Les Nations unies ont une responsabilité primordiale dans ce contexte notamment à travers les organes des traités des droits de l’homme, dont le Comité de la convention sur les disparitions forcées. L’accès à la santé pour tous, sans exception, est une priorité absolue et immédiate. Par ailleurs, les Etats ont le devoir d’assurer la sécurité des personnes sous leur juridiction. Mais, dans des situations de crises aigues, la tâche des gouvernements à cet égard peut s’avérer très ardue. Assurément, il faut saluer et estimer à sa juste valeur tout effort étatique qui a pour objectif d’assurer la sécurité des personnes et de prendre soin de leur santé. En revanche, il faut absolument s’assurer qu’aucun des droits fondamentaux ne soit bafoué. Tous les Etats doivent se souvenir que certains droits ne peuvent souffrir aucune dérogation. En ce sens, nul ne doit jamais être soumis à une disparition forcée, et aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier une disparition forcée. Il s’agit d’un droit absolu et inaliénable qui ne peut souffrir aucune dérogation Toutes les limitations apportées à l’exercice des droits fondamentaux des individus et des groupes doivent respecter scrupuleusement les normes conventionnelles et coutumières. Il est impératif que ces limitations aient pour seul et unique objectif de répondre adéquatement à l’urgence de la préservation de la santé des personnes. Par ailleurs, elles doivent être inscrites dans des lois promulguées selon les procédures légales et être nécessaires et proportionnelles à l’objectif légitime qu’elles visent. Par exemple lorsque des sanctions administratives suffisent pour encourager les individus à respecter le confinement elles devraient être préférées par le législateur aux sanctions pénales. Quant aux sanctions pénales elles devraient exclure dans toute la mesure du possible les peines privatives de liberté sauf en cas de récidive « persistante » ; ne serait-ce que pour ne pas encombrer davantage le milieu pénitencier. Ce qui peut s’avérer manifestement improductif dans un contexte de contagion par un virus vorace. Les droits de l’homme constituent un ensemble indivisible et universel. C’est ce qui m’a poussé à situer le débat dans un contexte global. Mais si on revient à la question des disparitions forcées, je pense tout particulièrement, dans le contexte de la pandémie du Covid-19 aux victimes des disparitions forcées. Toutes les victimes dans le sens large comme le veut l’article 24 de la convention de l’ONU sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le contexte du Covid-19 peut rendre la situation des personnes disparues pire qu’elle ne l’était déjà, du fait que l’attention des pouvoirs publics et de la société civile se trouve démesurément absorbée par la réaction à la pandémie. Le sort des personnes disparues risque de ne plus être perçu et traité, comme il se doit, d’une manière prioritaire. Par ailleurs, actuellement les familles des personnes disparues, risquent souvent de trouver les portes des autorités chargées de la recherche de la personne disparue fermées juste parce que celles-ci se trouvent submergées par la réaction contre la pandémie. Dans certains pays, les familles craignent que les corps non identifiés de leurs proches disparues soient brûlés sans être identifiés, incidemment dans la mêlée ou peut-être sous prétexte de l’adoption de mesures pour répondre à l’urgence sanitaire Je pense également aux familles qui n’ont plus le droit de sortir pour aller chercher leurs proches, ou pour gagner de quoi manger, mais qui parfois le font quand même pour survivre, au risque de se contaminer. Les défis que nous pose le Covid-19 sont multiples et de dimensions encore difficiles à mesurer. Mais il est de notre responsabilité de nous assurer que les droits fondamentaux soient respectés. Et pour finir, ce débat gagnerait à être placée dans un contexte plus global ; un contexte, éthique, moral, écologique, politique, économique et socioculturel. Et je dirai alors tout simplement que, indépendamment de l’existence ou non d’une situation caractérisée par une urgence sanitaire ou autre, tout effort sincère qui favorise le respect et la promotion des droits de l’homme participera à la fois à notre survie et à améliorer notre humanité.

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Mohammed Ayat Président du Comité de la convention de l’ONU sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcéesLire aussi:

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