Un rapport de la BAD accompagnant le lancement inaugural le 24 novembre dernier de l’Indice d’industrialisation de l’Afrique, montre que 37 États africains se sont industrialisés au cours des onze dernières années. Au niveau du classement 2022, l'Afrique du Sud est classée première, talonnée de près par le Maroc, qui était quatrième en 2010.
Le Sommet extraordinaire de l'Union africaine (UA) sur l'industrialisation et la Session extraordinaire de l’UA sur la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) se sont déroulés du 20 au 25 novembre dans la capitale nigérienne Niamey. Ce conclave a été marqué la présentation de l’Indice d’industrialisation de l’Afrique (IIA) mis en place par la Banque africaine de développement (BAD), l’UA et l’Office des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).
Les trois organisations ont lancé conjointement l'édition inaugurale de l'IIA en marge du Sommet de l’UA. Le rapport qui accompagne l’indice, présenté jeudi 24 novembre par la Banque africaine de développement, analyse l’évolution de l’industrialisation de 52 pays sur les 54 que compte l’Union africaine, la Somalie et le Sud-Soudan en sont exclus par manque de données disponibles.
37 États africains se sont industrialisés au cours des onze dernières années
Premier constat dressé par la BAD: 37 États africains se sont industrialisés au cours des onze dernières années. Au niveau du classement 2022, l'Afrique du Sud est classée première, et a maintenu cette position avancée tout au long de la période 2010-2021. Le pays est suivi de près par le Maroc, qui occupe la deuxième place cette année (il était quatrième en 2010). Le top 5 est complété par l’Égypte, la Tunisie et Maurice. L’Eswatini crée la surprise cette année en se classant sixième.
L'Algérie absente du Top 10 africain
L’Algérie, ne figure pas dans le Top 10 des pays africains les plus industrialisés. Avec un score de 0.5978, le pays est classé à la 11ème place en 2021 en matière d’industrialisation. L’Algérie figure dans la deuxième catégorie « moyen supérieur ».
L'indice d'industrialisation de l'Afrique (IIA), développé en collaboration avec l’ONUDI, fournit une évaluation des progrès de 52 pays africains à travers 19 indicateurs clés, couvrant la performance manufacturière, le capital, la main-d'œuvre, l'environnement des affaires, les infrastructures et la stabilité macroéconomique. L'IIA classe l'industrialisation selon trois dimensions, ou sous-critères : la performance, les déterminants directs et les déterminants indirects. Les déterminants directs comprennent le capital et la main-d'œuvre et la manière dont ils sont déployés pour stimuler le développement industriel. Les déterminants indirects se rapportent au climat des affaires, la stabilité macroéconomique ainsi que celle des institutions, en plus des infrastructures. Pour le premier et le troisième sous-critère, Rabat et Pretoria sont à égalité en 2022. Concernant le deuxième, le Maroc dépasse l’Afrique du Sud.
Si l'Afrique a montré des progrès encourageants en matière d'industrialisation au cours de la période 2010-2022, «la pandémie de la Covid-19 et l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont ralenti ses efforts et mis en évidence des lacunes dans les systèmes de production», selon Abdu Mukhtar, directeur du développement industriel et commercial de la BAD, qui s’exprimait lors de la conférence de Niamey. Pour la BAD, le continent a une opportunité unique de régler cette dépendance en intégrant davantage et en conquérant ses propres marchés émergents. «La zone de libre-échange continentale africaine crée une opportunité de marché unique pour 1,3 milliard de personnes et les dépenses totales des consommateurs et des entreprises peuvent atteindre 4.000 milliards de dollars, en plus de l’opportunité de renforcer leurs liens commerciaux et de production et récolter enfin la compétitivité industrielle de l'intégration régionale comme d'autres régions l'ont fait», ajoute son directeur du développement industriel et commercial.
La valeur ajoutée manufacturière, plus importante que la taille de l'économie
Autre constat de la Banque africaine de développement : «Les pays les plus performants ne sont pas nécessairement ceux qui ont les plus grandes économies, mais les pays qui génèrent une forte valeur ajoutée manufacturière par habitant, avec une proportion substantielle de biens manufacturés destinés à l'exportation», précise l’institution financière dans son rapport. Elle indique que la construction d'une industrie productive fera partie intégrante du développement de l'Afrique, offrant une voie vers une transformation structurelle accélérée, la création d'emplois formels à grande échelle et une croissance inclusive. La BAD souligne cependant que «la part de l'Afrique dans le secteur manufacturier mondial a diminué pour atteindre le niveau actuel de moins de 2%. Des politiques industrielles plus proactives sont considérées comme essentielles pour inverser la tendance».
Durant la conférence de Niamey, l’accent a ainsi été mis sur l’importance de la collecte de data dans le secteur industriel. L'Indice d'industrialisation de l'Afrique était l'un des deux nouveaux outils présentés lors de l'événement de Niamey. Le deuxième est l’Observatoire de l'industrie africaine. Dévoilé par l'ONUDI et l'UA, il servira de plateforme centrale de connaissances en ligne pour collecter, analyser et consolider les données quantitatives nécessaires aux analyses qualitatives des tendances nationales, régionales et continentale de l'industrie. Couplés à l’IIA, «ils contribueront à consolider la coopération inter-institutionnelle, à renforcer l'influence du dialogue politique de chaque institution pour accélérer le développement industriel», selon Victor Djemba, chef de la division Afrique de l'ONUDI. «Ces outils vont grandement améliorer notre élaboration de politiques industrielles et contribuer à apporter l'attention requise dont l'industrialisation a besoin aussi bien de la part des décideurs politiques que du secteur privé», insistait pour sa part Chiza Charles Chiumya, directeur par intérim de la Commission de l'Union africaine pour l'industrie, les minéraux, l'entrepreneuriat et le tourisme. Le rapport de la BAD, quant à lui, «permettra aux gouvernements africains d'identifier les pays de comparaison pour évaluer leurs propres performances industrielles et identifier plus efficacement les meilleures pratiques», selon l’appréciation formulée par ses auteurs.
L’industrialisation, une priorité pour l’Afrique
La Banque africaine de développement a investi près de 8 milliards de dollars au cours des cinq dernières années dans le cadre de sa priorité «Industrialiser l'Afrique», incluse dans son programme «High-5». «Dans le seul secteur pharmaceutique, nous avons l'intention d’investir au moins 3 milliards de dollars d'ici 2030», précise Abdu Mukhtar, directeur du développement industriel et commercial de la BAD. Dans le cadre de cette stratégie, la Banque s’emploie à appuyer les pays du continent dans leur industrialisation et dans la valorisation de leur potentiel économique. L’essor industriel est aussi inscrit comme la pierre angulaire de la croissance inclusive dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Comments