Suspension de la Russie du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU
L’Assemblée générale des Nations unies, composée de 193 pays membres, a voté jeudi par 93 votes contre 24 avec 58 abstentions en faveur de cette mise à l’écart. Une première qui pourrait laisser des traces.
Lors d’une session spéciale sur la situation en Ukraine, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le 7 avril une résolution visant à suspendre la présence de la Russie au Conseil des droits de l’Homme (CDH) de l’ONU.
L’Assemblée générale des Nations unies a voté jeudi matin (à New York) l’exclusion de la Russie du Conseil des droits de l’homme (CDH). Réunie en session spéciale urgente sur l’Ukraine, elle a voté par 93 pour, 24 contre et 58 abstentions la suspension avec effet immédiat de la Russie du CDH. Un ratio de 5 contre 1, étant donné que les abstentions ne comptent pas. C’est la première fois qu’un membre est exclu de l’organe onusien chargé des droits humains. En 2011, la Libye, plongée en plein Printemps arabe, avait fait elle-même la demande de se retirer du CDH.
Le texte exprime la «profonde préoccupation» de l’Assemblée générale «face à la crise humanitaire et des droits de l’Homme en cours en Ukraine, en particulier face aux informations faisant état de violations et d’atteintes aux droits de l’Homme», parfois «systématiques» et «de violations du droit international humanitaire par la Fédération de Russie».
Ce vote fait suite à l’adoption par l’Assemblée générale, le 24 mars 2022, d’«une résolution exigeant un arrêt immédiat des hostilités par la Russie contre l’Ukraine».
Avant le vote, l’ambassadeur d’Ukraine auprès de l’ONU à New York, Sergyiy Kyslytsya, a exhorté l’Assemblée générale à ne pas céder à l’indifférence face aux horreurs commises dans son pays, se référant notamment à l’apathie de la communauté internationale lors du génocide au Rwanda en 1994. «Il est question ici de sauver le Conseil des droits de l’homme du naufrage.» Le représentant russe a aussitôt riposté: «Ce n’est pas le temps de verser dans des déclarations pathétiques. […] Pour nous, c’est une tentative des Etats-Unis de marquer leur position de domination et de relations coloniales dans le monde.»
Les alliés habituels de la Russie sont tous montés à la tribune pour refuser la résolution de suspension, du Kazakhstan à l’Iran, de la Corée du Nord au Venezuela en passant par Cuba. Pour le Kazakhstan, exclure la Russie du CDH «ne va pas contribuer à la résolution du conflit». Pour Caracas, la résolution occidentale équivaut à une «destruction du CDH» qui va provoquer une «crise systémique de confiance au sein du système onusien». Le représentant de Syrie n’a pas été moins véhément, fustigeant le «deux poids, deux mesures» des Occidentaux quand il s’agit de dénoncer les violations des droits humains. Il a mentionné le cas des Palestiniens dont les droits sont constamment violés par l’occupant israélien. «Nous n’avons aucune preuve de graves violations des droits de l’homme» en Ukraine, a-t-il ajouté. La Chine, qui s’est abstenue par le passé, a rejeté la résolution, estimant qu’elle «créait un dangereux précédent» qui nuirait à la «gouvernance future de l’ONU». De son côté, la Biélorussie, qui contribue à l’effort de guerre russe en Ukraine, a fait dans l’hyperbole, relevant que la résolution allait causer un «déséquilibre de tout le système international» qui pourrait mener à «l’effondrement des Nations unies».
En Afrique, Dans les «contre», on a compté, sans surprise, le seul pays africain qui avait déjà voté contre la condamnation de l’invasion russe, le 24 mars : l’Érythrée. Mais cette fois se sont ajoutés quelques alliés de la Russie qui s’étaient alors abstenus, comme la République centrafricaine et le Mali, ainsi que l’Algérie (plus de 300 détenus d’opinion dans le pays) et le Burundi. Mais on a trouvé aussi l’Éthiopie, en délicatesse, elle aussi, sur des questions de droits humains avec l’ONU, le Congo, le Zimbabwe et finalement le Gabon, qui est passé ainsi du camp des «pour» au camp des «contre».
Selon l’analyse du journaliste algérien Sable Bledi pour Al-Arab, la politique étrangère de l’Algérie finira par se retourner contre le gouvernement Tebboune.
Les synergies entre Moscou et Alger semblent fortes aux yeux de la galerie après que l’Algérie ait voté contre l’expulsion de la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Une décision applaudie par le ministre russe des Affaires étrangères, Lavrov. L’Algérie a été le seul pays du Maghreb à soutenir la Russie lors de ce vote et, avec la Syrie, les deux seuls pays du monde arabe, les autres ayant préféré s’abstenir. Début avril, Moscou a annoncé que ses « Spetsnaz », les troupes d’opérations spéciales, participeront bientôt à des manœuvres militaires en Algérie, tout près de la frontière avec le Maroc. C’est un autre signe de proximité, quelques jours après la visite du secrétaire d’État Blinken à Alger. La visite de l’Américain a été décrite par l’agence de presse officielle algérienne comme « cordiale et constructive », mais des sources d’Al-Arab affirment que la décision du ministre des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, de ne pas rencontrer Blinken à l’aéroport était délibérée, plutôt qu’un pépin dans son emploi du temps.
Attendre la commission d’enquête
De leur côté, les représentants du Sénégal et du Brésil ont annoncé leur abstention lors du vote, précisant qu’il importait d’attendre les conclusions de la Commission d’enquête indépendante sur l’Ukraine établie au début mars par le CDH.
Cet épisode va laisser des traces. Il s’inscrit dans une série de mesures prises contre la Russie dans le cadre du système onusien. Le 24 mars dernier,
L’Organisation internationale du travail adoptait une résolution prohibant aux représentants russes de participer à des réunions techniques ou d’experts.
L’Union internationale des télécommunications a aussi adopté des mesures dans ce sens, empêchant les délégués russes d’accéder à des fonctions électives au sein de commissions.
Même la Commission économique pour l’Europe des Nations unies remet en question la participation de la Russie dans certains programmes.
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