L’OMS demande à Donald Trump de bien « se comporter », accusée par le président américain d’être trop proche de la Chine et de mal gérer la pandémie, a dénoncé une « politisation » de la crise, appelant Pékin et Washington à s’unir pour combattre le virus.
« Ne politisez pas le virus. Pas besoin d’utiliser le Covid pour marquer des points politiques », a lancé au cours d’une conférence de presse virtuelle Tedros Adhanom Ghebreyesus, interrogé par un journaliste sur les accusations portées mardi par Donald Trump.
« Vous avez beaucoup d’autres moyens de faire vos preuves », a ajouté ce fin diplomate, un ancien ministre des Affaires étrangères de l’Éthiopie, appelant à ne pas « jouer avec le feu ».
L’OMS et son patron ont reçu mercredi le soutien appuyé du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
Les dirigeants mondiaux doivent bien «se comporter» s’ils veulent éviter une vague de nouveaux décès liés à la pandémie de coronavirus, a déclaré le haut fonctionnaire de l’Organisation mondiale de la santé en réponse aux critiques du président Trump sur sa performance. « Nous aurons de nombreux sacs mortuaires devant nous si nous ne nous comportons pas bien », a déclaré mercredi le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, aux journalistes, lorsqu’on lui a demandé de répondre aux critiques spécifiques de Trump envers l’OMS. «Lorsqu’il y a des fissures au niveau national et mondial, c’est à ce moment que le virus réussit. Pour l’amour de Dieu, nous avons perdu plus de 60 000 citoyens du monde. »
Une fois la pandémie achevée, « il y aura un temps pour revenir en arrière » sur l’action des acteurs dans ce dossier. « Mais ce n’est pas le moment. Maintenant c’est le temps pour l’unité », a déclaré Antonio Guterres.
« J’ai la conviction que l’OMS doit être soutenue, car elle est absolument essentielle aux efforts du monde pour gagner la guerre contre la Covid-19 », a-t-il dit dans un communiqué.
Donald Trump s’est emporté mardi contre l’OMS, jugée trop proche à ses yeux de Pékin, au cours de son point de presse quotidien à la Maison-Blanche. « Tout semble très favorable à la Chine, ce n’est pas acceptable », a-t-il déclaré.
Le président américain a notamment critiqué la décision de l’OMS de se prononcer contre la fermeture des frontières aux personnes en provenance de Chine au début de l’épidémie.
« L’OMS s’est vraiment plantée », a-t-il écrit dans un tweet.
Le 10 janvier, un jour avant le premier décès en Chine, l’OMS, assurant qu’une enquête préliminaire suggérait qu’il n’y avait « pas de transmission interhumaine significative », avait déconseillé d’appliquer à la Chine des restrictions aux voyages ou aux échanges commerciaux et ne recommandait « aucune mesure sanitaire particulière pour les voyageurs ».
Ce n’est que fin janvier, lorsque les premières contaminations hors de Chine ont été signalées, que cette agence de l’ONU a parlé de dépistage dans les aéroports.
Dans ses dernières recommandations concernant le trafic international, rendues publiques fin février, l’organisation déconseille toujours d’appliquer des restrictions, mais reconnaît que « dans certaines circonstances », les mesures qui limitent la circulation des personnes peuvent s’avérer provisoirement utiles. Les responsables de l’OMS ont été critiqués par des dirigeants américains, d’avoir accordé foi à de faux rapports sur le nouveau coronavirus au début de l’épidémie. Ces reproches ont culminé lorsque Trump a menacé de geler l’aide américaine à l’organisation internationale, qu’il a qualifiée de «centrée sur la Chine», mais Tedros a rejeté cette critique. « Je sais que je n’ai pas répondu spécifiquement à votre question », a-t-il déclaré, notant qu’un journaliste avait demandé des réponses aux critiques particulières du président. «Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Nous ne devons pas perdre de temps à pointer du doigt. Nous avons besoin de temps pour nous unir. » “Tout semble très favorable à la Chine, ce n’est pas acceptable”, a-t-il déclaré, sans autres précisions.Le milliardaire républicain a rédigé mardi matin un tweet particulièrement virulent à l’encontre de l’organisation.“L’OMS s’est vraiment plantée”, a-t-il écrit. “Etrangement, ils sont largement financés par les États-Unis et pourtant très centrés sur la Chine. Nous allons nous pencher avec attention sur le dossier”, a-t-il ajouté.
The W.H.O. really blew it. For some reason, funded largely by the United States, yet very China centric. We will be giving that a good look. Fortunately I rejected their advice on keeping our borders open to China early on. Why did they give us such a faulty recommendation? — Donald J. Trump (@realDonaldTrump) April 7, 2020
« Heureusement, j’ai rejeté leurs conseils initiaux de laisser nos frontières avec la Chine ouvertes. Pourquoi nous ont-ils donné une recommandation aussi erronée?« , a-t-il conclu.
Les États-Unis sont le pays du monde qui compte, de très loin, le plus grand nombre de cas officiellement déclarés de Covid-19.
Le nombre de décès causés par la maladie dans le pays augmente depuis plusieurs jours de plus de 1.000 morts quotidiennement, se rapprochant ainsi peu à peu des macabres records de l’Italie et de l’Espagne.
« Générosité » américaine
Agacé par la gestion de la crise de la Covid-19 par l’OMS, Donald Trump a menacé de suspendre la contribution financière des États-Unis, qui est la plus importante, à son fonctionnement.
Le directeur général de l’OMS a quant à lui remercié mercredi ce pays de son « généreux soutien » face à la pandémie, mais a appelé le monde à « rassembler son énergie ».
« Les États-Unis et la Chine devraient s’unir pour combattre ce dangereux ennemi », a en particulier relevé M. Tedros, qui a reçu le soutien de nombreux dirigeants africains depuis les déclarations acrimonieuses du locataire de la Maison-Blanche.
« Battons-nous comme des diables pour supprimer et contrôler ce virus. Il est dangereux. Nous avons besoin d’unité », a affirmé Tedros Adhanom Ghebreyesus.
« Ne continuons pas à jouer avec le feu » face à un virus qui progresse « de façon exponentielle » – et a déjà fait près de 100 000 morts-, a-t-il insisté.
L’OMS, critiquée dans le passé pour avoir surréagi ou été trop laxiste au moment de grandes épidémies, a été cette fois accusée d’avoir tardé à alerter et d’avoir tergiversé avant de qualifier la situation de pandémie, afin de ne pas froisser Pékin.
Mercredi, le patron de l’OMS a accusé les journalistes qui lui reprochaient d’avoir été influencé par la Chine de « jeter de l’huile sur le feu », et affirmé que son organisation était « proche de toutes les nations ».
Il a également assuré que son équipe travaillait « jour et nuit » pour combattre le virus et a défendu son bilan, détaillant toutes les mesures et recommandations prises par cette agence spécialisée de l’ONU depuis début janvier.
Plus de trois mois depuis le début de l’épidémie, Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui s’adresse aux médias trois fois par semaine, a par ailleurs dit avoir été la cible d’attaques racistes et de menaces de mort, en provenance notamment de Taïwan.
Cette île a été exclue des principales institutions internationales sous la pression de la Chine, qui considère qu’elle fait partie de son territoire et menace de recourir à la force en cas de proclamation officielle de son indépendance.
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