Algérie: chronique d’une crise politique et socio économique permanente, des «protestations de la soif» contre les pénuries d’eau.
Pénurie d’eau potable, 14 millions d’Algériens ont soif
Une grave crise de pénurie de l’eau potable touche au moins 10 wilayas de l’Est. Un chiffre très important qui révèle que malgré les annonces, la crise de l’eau persiste. L’arrivée de l’été ne fait que la révéler au grand jour.
L’Algérie se retrouve aujourd’hui en proie à une terrible pénurie de l’eau potable et cette crise, sans précédent, alimente une énorme colère populaire : Plusieurs quartiers populaires de la capitale, connaissent ces derniers jours des mouvements de protestation violents, pneus brûlés et routes coupées avec des barricades à la circulation automobile. Ces scènes de colère populaire ont été ignorés par les médias officiels algériens qui veulent passer sous silence cette vérité amère sur la situation gravissime que connaît le pays. Dernièrement, ces protestations se sont élargies à plusieurs villes algériennes !…
La preuve de cette pénurie d’eau est donnée par ces manifestations quotidiennes de citoyens au quatre coins du pays. Des habitants des villes, mais surtout de villages, bloquent les routent et crient leur désarroi. C’est le cas ces derniers jours à Bordj-Bou Arréridj, M’sila, Tiaret, Boumerdès, Béjaïa, Tizi-Ouzou et Relizane. Les habitants de M’sila ont organisé ces derniers mois plusieurs manifestations pacifiques, d’abord surveillées par les autorités. Mais, récemment, les forces de l’ordre algériennes sont intervenues pour disperser une marche et ont interpellé une dizaine de personnes, poursuivies pour «participation à une manifestation non autorisée».
Le centre de l’Algérie subit aussi une sécheresse inédite depuis plusieurs années, qui fait baisser de façon inquiétante le niveau des réservoirs, aggrave la pénurie d’électricité et paralyse les cycles de plantation. Selon des sources, le taux national de remplissage des barrages algériens ne dépasse pas 44,63 %. Plusieurs réservoirs essentiels dans le pays sont tombés à un niveau qui ne leur permet plus de fournir d’eau aux cultures, selon des sources gouvernementales algériennes. La pénurie d’eau fait peser des menaces sur l’inflation, en particulier celle des produits alimentaires susceptibles d’aggraver la fronde sociale. La sécheresse exacerbe aussi la pénurie d’électricité dont souffre régulièrement l’économie algérienne.
Ne pouvant éluder cette réalité, le ministère des Ressources s’est soumis au rude exercice de vérité. Un responsable du département des ressources en eau, Smaïl Amirouche en l’occurrence, a reconnu, sur un plateau de télévision, que beaucoup d’Algériens ne bénéficient pas de raccordement à l’eau potable. Il explique cet état de fait par le stress hydrique qui touche notre pays. « Certaines wilayas de l’Est vivent en effet une situation de sécheresse », a-t-il indiqué.
Il cite une multitude d’autres raisons pour justifier cette pénurie. Il évoque notamment les raccordements illicites ou sauvages qui privent des milliers de citoyens du précieux liquide.
Mais l’agriculture n’est pas la seule à être touchée. Les grandes villes le sont aussi, à commencer par Alger qui a envisagé de rationner l’eau potable à partir de fin mai pour 4 millions de ses habitants, les interruptions préconisées pouvant aller jusqu’à huit heures par jour.
«L’Algérie fait face à une situation économique difficile et inédite en raison de plusieurs facteurs : la crise structurelle héritée de l’ère Bouteflika, la chute des cours des hydrocarbures et enfin la crise du coronavirus», avait reconnu en août 2020 le premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad. Le « président » Abdelmadjid Tebboune a déjà exclu de contracter des prêts auprès du FMI et des organismes financiers internationaux, au nom de la «souveraineté nationale».
Déjà au début du mois de mai dernier, « le ministre » algérien des ressources en eau, avait fait un aveu amer : « pour le moment, nous avons des réserve d’eau qui nous permettent d’assurer une alimentation régulière en eau potable jusqu’à l’automne prochain, mais il faut qu’il y ait une économie d’eau et mieux gérer ces réserves de façon à éviter de graves perturbations » !…
Les Algériens doivent se débrouiller pour étancher leur soif !
Chaque jour les Algériens, à bout de patience et en colère, postent sur les réseaux sociaux des vidéos de leurs protestations contre l’interminable file d’attente devant des lieux d’approvisionnement publics en eau potable. Une véritable pénurie est actuellement en train d’assoiffer l’Algérie, « la puissance régionale autoproclamée » !…
Pénurie d’eau à l’horizon 2030 – L’Algérie parmi les pays les plus exposés
La croissance démographique et la raréfaction des ressources hydriques, augurent une pénurie d’eau en devenir.La croissance démographique et les changements climatiques, et de ce fait l’accès à l’eau potable pour la population, constitue un défi majeur pour l’Algérie dans les décennies à venir. La nouvelle étude de l’Institut de prospection économique en Méditerranée (Ipemed) a relevé les vulnérabilités des potentialités hydriques pour l’Algérie. D’après l’étude l’Algérie est classée parmi les pays les plus exposés à un stress hydrique à long terme dans le pourtour méditerranéen. En effet, l’étude intitulée «L’accès à l’eau et l’assainissement en méditerranée, les finances innovantes: solutions ou illusion?» démontre que l’Algérie figure parmi les pays les plus exposés à un stress hydrique à l’horizon 2030.
« Ne jette point l’eau sale avant d’avoir l’eau propre. » Anonyme
La théorie du complot (ou les néologismes complotisme ou conspirationnisme) est une expression d’origine anglaise, définie pour la première fois en 1945 par Karl Popper, qui dénonce comme abusive une hypothèse (en anglais theory) selon laquelle un événement politique a été causé par l’action concertée et secrète d’un groupe de personnes qui croyaient avoir intérêt à ce qu’il se produise, plutôt que par le déterminisme historique ou le hasard. Pour Peter Knight, de l’université de Manchester, « un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste affectant le cours des événements ». L’objectif étant de détenir ou de conserver une forme de pouvoir (politique, économique ou religieux).
« La faute à la main invisible de l’étranger »
« La main étrangère », « la théorie du complot extérieur », des « parties anonymes », « la faute à la main invisible de l’étranger »… ce sont autant d’expressions que l’imaginaire collectif algérien entretient.
Le système algérien, comme dans toutes les dictatures militaires, a conscience que l’administré est plus enclin à focaliser son regard sur l’ennemi fantomatique extérieur que sur les monstres de l’intérieur qui sévissent en toute impunité. Il ne lui reste plus qu’à jouer sur la fibre patriotique de l’Algérien qui est allergique à tout ce qui est étranger.
Administration, médias, artistes, intellectuels ont été habitués à désigner « la main extérieure » qui serait derrière toutes les révoltes populaires contre le système. C’est un mécanisme colonial tout prêt à être activé, reconduit par l’establishment algérien, depuis 1962, date de l’accession du pays à son indépendance. Bien des intellectuels et autres théoriciens du régime ont été actionnés pour entretenir et faire fleurir le syndrome de « la main étrangère » dans le discours populaire, en politique, à l’école comme à la mosquée.
L’Algérien est victime d’un endoctrinement idéologique accompli par le système, depuis 60 ans. Diabolique est le système né du coup d’État contre les instances légitime du Gouvernement provisoire algérien (GPRA), car il a réussi à corrompre des intellectuels de la taille de Mohammed Harbi.
L’histoire nous renseigne que ce dernier, alors directeur du magazine « Révolution africaine », hebdomadaire officiel du FLN, parti unique, était le premier à prendre sa plume pour dénoncer la « main étrangère » en désignant Hocine Aït Ahmed qui venait de créer le Front des forces socialistes (FFS). Il était allé jusqu’à consacrer son éditorial, « Défense de la Révolution (1) », à dénoncer la création du parti politique d’opposition, le FFS, par Hocine Aït Ahmed. Il faut dire que le conflit algéro-marocain tombait à pic pour les besoins de la propagande officielle : « la main étrangère » est intervenue en même temps que la révolte du FFS.
N’est-il pas temps de débattre sans complexe de la responsabilité et de la culpabilité réelle ou supposée de « la main de l’intérieure » quant aux crises nées depuis l’indépendance ?
Le citoyen lambda, dès qu’il crie son humiliante douleur, est accusé de servir la main étrangère alors que la main intérieure est encore plus dangereuse ! « La main de l’étranger » ?
Le Professeur Tassadite Yacine précise : « la main extérieure est insignifiante sans la main intérieure, notre problème est plutôt avec la main intérieure ». Abane Ramdane n’a-t-il pas été assassiné par la main intérieure, alors qu’il échappait superbement à la main extérieure ?
La crise qui va accélérer chute du pouvoir illégitime
Depuis près de trois décennies, le discours relatif à l’eau a radicalement changer : rareté, pénurie, crise, pollution sont devenus les mots clefs d’une nouvelle problématique. Envolées les certitudes d’hier, le temps des bilans et des interrogations s’impose.
Le problème de l’eau en Algérie est-il une fatalité ?
Le pays est-il moins bien loti que ces voisins ou les autres pays du bassin méditerranéen ?
L’eau est-elle une denrée importante et vitale aux yeux des décideurs ?
Pourquoi les canalisations ne sont elles pas réparer dans les temps impartis ?
Comment en Algérie on est arrivé jusqu’à envisager à importer de l’eau ?
Les barrages en service sont ils à même de répondre aux besoins des utilisateurs ?
Leur nombre est il insuffisant?
Leur taux de remplissage est- il plus ou moins acceptable ?
Les potentialités en eaux souterraines
Les potentialités en eaux souterraines directement exploitables sont évaluées, par les services techniques de l’ANRH et par la DGAIH, à 1,8 milliards de m3 dans la région Nord. Ces ressources sont relativement faciles à mobiliser et sont, aujourd’hui, exploitées à plus de 90%.
Dans le sud, les ressources en eau souterraines sont beaucoup plus importantes et sont contenues principalement dans des aquifères, qui s’étendent, pour certains, au delà même des frontières algériennes : il s’agit des nappes du Continental Intercalaire (CI) ou nappe albienne, et du Complexe Terminal (CT). Ces formations s’étendent sur des superficies respectives de 600.000 et 350.000 km2. Elles recèlent, pour la première, pas moins de 45.000 km3 et selon PERENNES (1979), certains auteurs évaluent la capacité de l’aquifère entre 12.000 et 50.000 km3 et conservent les 12.000 km3 pour la réserve d’eau possible et réelle.
Pour la seconde, les capacités sont plus modestes et évaluées entre 8 et 12.000 km3. En somme, les réserves théoriques des deux aquifères sont estimées à près de 60.000 km3. Si les volumes emmagasinés dans ces deux aquifères sont énormes, il ne faut pas perdre de vue qu’ils ne sont que très peu renouvelables pour ne pas dire qu’ils sont fossiles. La plus importante des nappes (albienne) est captée à de grandes profondeurs et est caractérisée par une eau chaude (60°), entartrante et une minéralisation de 2g/l.
Les nappes du Sahara septentrional sont exploitées à hauteur de 5 milliards de m3 par an, ce qui porte le total des ressources en eau exploitables (souterraine et superficielle à 6,8 milliards de m3.
Jusqu’en 1980, date du premier réveil « hydraulique » suite à la grande sécheresse, ces eaux ont constitué l’essentiel de la ressource utilisée pour satisfaire la demande en eau potable notamment, relayée progressivement par les eaux superficielles mobilisées par les barrages.
Un réseau hydrométrique peu étoffé
L’aménagement d’ouvrages hydrauliques (barrages, retenues collinaires, seuils de dérivation…) porte le plus souvent sur des cours d’eau non jaugés (MEBARKI, 2005). Il n’en demeure pas moins qu’un réseau de stations de jaugeage, même lâche, étoffait le pays depuis l’époque coloniale. Cependant, la méconnaissance du potentiel réel en eau de surface, liée à cette faiblesse du réseau de stations hydrométriques et la non exploitation des données de celles existantes, se traduit par l’absence de données sur la variation des crues, des crues exceptionnelles et leur débit.
L’ancien réseau : durant la période coloniale, les stations de jaugeage étaient peu nombreuses et leurs sites d’implantation avaient un lien avec la localisation de barrages existants ou en projet. Cependant, peu de stations ont donné des résultats satisfaisants pour cause de dégradation de leur matériel. Ainsi, des corrections ont été apportées au fur et à mesure, rendant la lecture des relevés un peu plus correcte. Ces derniers sont publiés par l’Annuaire hydrologique de l’Algérie qui a été interrompu durant de la guerre. Il ne sera repris que quelques années après l’indépendance par la Direction des Etudes de Milieu et de la Recherche Hydraulique (DEMRH).
Le réseau actuel : une longue période d’inactivité a été observée, puisqu’il n’a été repris qu’en 1968 par l’organisme cité plus haut, dénommé aujourd’hui Agence Nationale des Ressources Hydrauliques (ANRH). Cette agence s’est employée à densifier le réseau. C’est ainsi que beaucoup de stations furent implantées. Malheureusement, certaines d’entre elles ne sont plus opérationnelles. Aujourd’hui, ce réseau connaît un début de modernisation avec l’installation de stations automatiques (enregistreurs électroniques), opération lente mais louable et bénéfique, transférant les données sur ordinateur, remplaçant ainsi le mode d’enregistrement graphique sur papier (limnigraphe classique) et limitant les lacunes de relevé pendant les périodes de congé du personnel affecté à cette tâche. Selon l’ANRH, 208 stations hydrométriques essaiment le territoire national. 70 d’entre elles seulement sont automatisées et 100 en cours d’automatisation.
Dans ce réseau, certains sites ont même connu des détériorations ayant entraîné leur arrêt.
Toujours selon l’ANRH, le constantinois qui disposent actuellement de 46 stations, 16 d’entre elles sont à l’arrêt. A signaler également, le désintéressement des observateurs (les relevés sont parfois réalisés par des non professionnels). Quant à la mise à l’arrêt de certaines stations hydrométriques, trois (3) raisons peuvent être citées :
départ en retraite du personnel qui ne sera pas remplacé immédiatement mais obéira aux conditions de recrutement ;
à l’endommagement du matériel (actes d’incivilité) par des personnes insouciantes de l’intérêt du matériel ;
à la suspension des postes situés à l’aval d’un barrage, donc n’ayant plus aucun rôle.
De part ce constat, il ne faut point s’étonner que dans les études, antérieures de faisabilité d’un ouvrage, l’on se trouve avec des données erronées conduisant à un dimensionnement inadéquat. On notera à ce propos ce que disait SARVARY (MEBARKI, 2005) : …par manque de jaugeages lors des crues, les courbes d’étalonnage ne sont déterminées, dans la majorité des stations, que pour les étiages. Pour estimer les débits pendant les crues, il faut les extrapoler… Il faut noter que c’est d’une bonne connaissance des apports et de leur variabilité que dépend le dimensionnement des ouvrages hydrauliques.
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