Affaire Walid Nekiche: après presque 3ans, où en est l’enquête sur les sévices sexuels infligés à Walid dans la caserne Antar « Abla »?
Le soufflé médiatique est vite retombé. Mais l’affaire n’a pour autant pas été oubliée…
Walid Nekiche est un étudiant de 25 ans qui a passé plus d’un an en prison. Ses avocats assurent qu’il a subi tortures et sévices sexuels. La justice algérienne ouvre une enquête…. où en est cette enquête? .. . un document ci-joint qui prouve que Walid Nekiche qu’il était bel et bien dans la caserne Antar « Abla »…
Le récit de l’arrestation et de la détention de Walid Nekiche
Arrêté lors du Hirak puis placé en détention provisoire pendant 15 mois, le jeune Walid Nekiche a révélé avoir été torturé lors d’interrogatoires menés par les services secrets.
« Vers un « endroit inconnu » » Walid Nekiche
Aux alentours de 10 heures, cet étudiant en troisième année à l’Institut national supérieur de pêche et d’aquaculture d’Alger retrouve d’autres jeunes pour entamer une marche. Il prend quelques photos lorsqu’il est abordé par un policier en civil, qui lui demande de lui remettre son smartphone. Il s’exécute. «Il vérifie mon téléphone et y trouve des photos prises lors des marches du Hirak, puis me le rend», témoigne Walid Nekiche. Quelques instants plus tard, le policier revient à nouveau vers lui pour lui demander de lui remettre son portable. «Cette fois-ci, il ouvre l’application WhatsApp et vérifie mes contacts», poursuit-il.
Le policier s’intéresse en particulier à ses échanges avec l’un de ses amis étrangers, un Espagnol nommé José, auquel Walid a envoyé des photos de manifestations. Il décide alors d’arrêter l’étudiant avant de le faire monter, avec l’aide de ses collègues, dans un fourgon. «Ils me conduisent d’abord au commissariat de la Casbah, puis à celui de Bab El Oued, avant de me transférer, vers 16 heures, dans un endroit inconnu», raconte-t-il. Il apprendra plus tard qu’il s’agissait du Centre principal des opérations (CPO), une structure de la Direction du contre-espionnage (DCE), elle-même rattachée à la Direction des renseignements et de la sécurité (DRS): la fameuse caserne Antar « Abla ».
« Torturé » par les services…. Torturé, violé, emprisonné à tort, sa vie a été totalement gâchée lui qui, à l’âge de 25 ans, rêvait d’une autre Algérie, d’une « Nouvelle Algérie »…
En effet, au-delà du préjudice matériel lié, entre autres, au fait qu’il n’a pas pu poursuivre ses études durant 15 mois, il faut souligner, et le préjudice moral du fait qu’il a subi des sévices sexuels, il a été souillé dans son intimité et sa dignité, paradoxalement, au mépris de tout entendement humain et des textes de lois…
L’article 263 condamne tout fonctionnaire qui exerce, provoque ou ordonne l’exercice d’un acte de torture aux fins d’obtenir des renseignements ou des aveux ou pour tout autre motif de 10 à 20 ans de réclusion et d’une amende de 150 000 DA à 1,6 million de dinars. Et en plus de ces articles du code pénal, l’Algérie a eu à ratifier, en 1984, la convention internationale contre la torture ainsi qu’en mai 1989, une autre convention internationale relative au traitement inhumain dégradant à l’encontre de toute personne humaine et ces conventions ont valeur supérieure à la loi nationale. Selon la convention internationale de 1984, le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infligées aux fins notamment d’obtenir des renseignements ou des aveux, de punir ou d’intimider une personne. Une définition que l’article 263 bis du code pénal algérien reprend d’ailleurs intégralement.
Du 26 novembre au 2 décembre, le jeune étudiant est questionné par les éléments du CPO. «J’ai été interrogé et torturé, dans les deux commissariats et à la caserne Antar [Abla]», affirme-t-il. Dans un grand bureau, les policiers lui demandent de passer aux aveux. «Tu as le choix, soit tu parles ici de ton plein gré, soit tu refuses et on passe de l’autre côté. Tu sais ce qui t’attend là-bas», le menacent-ils. Walid continue à affirmer qu’il n’a rien à avouer. Il est alors transféré dans la caserne…
«Le premier jour, j’ai été interrogé et torturé de 17 h jusqu’aux environs de 1 h du matin. J’ai tout subi, tout… Tout ce que vous pouvez imaginer…», confie t-il. De nature timide et réservée, le jeune homme a du mal à exprimer ce qu’il a enduré. Ses silences sont encore plus éloquents que les quelques mots qu’il arrive à faire sortir de sa gorge nouée.
Il se retrouve ensuite seul dans une cellule. «Il y avait d’autres détenus à côté, notamment un terroriste, je crois, et un militaire, mais les interrogatoires ont toujours eu lieu durant la nuit. Ils étaient alors très nombreux à me harceler de questions. Cinq, six, parfois jusqu’à onze», se souvient-il. Au cœur de ces interrogatoires, les relations entre le jeune étudiant et son fameux ami José, un attaché de l’ambassade espagnole à Alger.
Les deux hommes se voient régulièrement et entretiennent une relation amicale depuis 2017. «José vient régulièrement en Algérie et séjourne dans des hôtels. Si c’est un espion, pourquoi ne l’ont-ils pas arrêté ?», s’interroge-t-il. Au bout d’une semaine, le jeune homme est transféré et placé sous mandat de dépôt à la prison d’El Harrach. Il est conduit dans une grande salle, où quatre-vingt sept prisonniers s’entassent les uns sur les autres, dormant sur des couvertures crasseuses à même le sol.
Dans un grand bureau, avec plusieurs officiers
Le procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad Raïs avait été désigné pour ouvrir une instruction préliminaire concernant des faits de violence et une agression sexuelle. Il avait chargé la police judiciaire de mener l’enquête. Walid Nekiche, 25 ans, a été arrêté par un « agent civil » dans la matinée du 26 novembre 2019 durant une manifestation des étudiants à Alger.
« Nekiche a été victime d’un hold-up juridique officiel où on ne retrouve aucune trace d’une quelconque réquisition du procureur de la République du 26 novembre, date de la marche organisée par les étudiants à Alger, au 2 décembre, soit durant les six jours où ce jeune a disparu. Il s’agit d’une arrestation extra-judiciaire à base d’accusations préfabriquées. » Me Hakim Saheb
Dans le commissariat de Bab El Oued où il a été transféré, il affirme avoir été déshabillé avant de subir des violences physiques et verbales de la part d’un policier, avant d’être dirigé en fin de journée, les yeux bandés, vers une caserne de la DGSI, située sur les hauteurs d’Alger.
Admis dans un grand bureau en présence de plusieurs officiers, il a ensuite été placé dans une petite pièce où il a été soumis à d’autres actes de violence. Walid Nekiche soutient avoir été déshabillé, forcé de se mettre à genoux, avoir reçu des gifles, puis aspergé d’eau sale. Il affirme avoir également reçu des décharges électriques et avoir été violé.
La demande d’expertise médicale rejetée
« Comment se fait-il que la torture pratiquée durant la période coloniale par les forces coloniales dans des proportions dangereuses contre les populations algériennes, en général, et tous les militants nationalistes, en particulier, continue d’être pratiquée encore aujourd’hui. Nous avons été naïfs de croire qu’au lendemain de l’indépendance, l’Algérie officielle allait rompre avec ces pratiques honteuses, inhumaines et indignes… » Me Hakim Saheb
« ...Me Nacéra Haddouche… Elle a eu également à déposer auprès du juge d’instruction de Bab El-Oued la demande de la désignation d’un médecin aux fins d’effectuer une expertise médicale, physique et psychologique, pour relever la véracité de ces faits que Walid Nekiche avait révélé au lendemain de son incarcération. Une demande d’expertise médicale à laquelle on avait opposé un refus net du juge d’instruction, considérant abusivement qu’elle n’avait aucune relation avec les chefs d’inculpation et les accusations évoquées. » Me Hakim Saheb
Me Hakim Saheb explique que « le procureur de la République est légalement obligé d’ouvrir une information judiciaire dès qu’une victime révèle avoir fait l’objet de torture. Paradoxalement, au lieu d’aller dans le sens de cette obligation et de la Convention internationale ratifiée par l’Algérie, nous avons vu que ce représentant de l’ordre public a plutôt requis la réclusion à perpétuité contre cette victime que je dirais “institutionnelle”.
Par ailleurs, Hakim Saheb affirme que Walid Nekiche a été victime d’ « une machine à fabriquer des procès pour étouffer toute velléité de quête de liberté et d’expression libre ». Il explique que « l’arrestation de Walid Nekiche s’inscrivait dans cette optique : il était prisonnier de l’entêtement du pouvoir à tenir coûte que coûte une élection présidentielle rejetée massivement par le peuple algérien. Autrement, on était devant un dossier préfabriqué qui ne résiste pas à l’épreuve des faits, ni même du droit« .
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