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Afrique: Devançant la Sierra Leone, le Niger n’est plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest

Devançant la Sierra Leone, le Niger n’est plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest.

En venant de dépasser en richesse par habitant la Sierra Leone, pays anglophone côtier, le Niger enclavé a quitté la place longtemps occupée de pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ainsi que les dix dernières places du continent africain.

Selon les données de la Banque mondiale, le Niger affichait un PIB par habitant de 555 dollars fin 2019, dépassant ainsi le niveau de richesse de la Sierra Leone (504 dollars), désormais pays le plus pauvre de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. L’évolution positive du Niger, géographiquement pénalisé par son enclavement, est le fruit des nombreuses réformes accomplies, et consolidées par l’environnement favorable que présente l’espace UEMOA. Toutefois, le pays devra prochainement relever d’importants défis afin de poursuivre son développement.

Un pays réformateur et en forte croissance…

Cette progression résulte de la forte croissance enregistrée ces dernières années par ce pays de 24 millions d’habitants, et qui a atteint une moyenne annuelle de 6,3 % sur la période de huit années allant de 2012 à 2019. Sur cette même période, la Sierra Leone (8 millions d’habitants) affichait une hausse annuelle de son PIB de 4,2 % en moyenne, malgré le faible niveau de développement du pays. Certes, le Niger affichait déjà un PIB total près de trois fois supérieur à celui de la Sierra Leone, mais il n’était pas pour autant plus riche, le critère du PIB par habitant étant le plus pertinent pour comparer le niveau réel de richesse (le simple montant global du PIB donnant toujours un grand avantage aux pays les plus peuplés, même si leur économie est sous-développée).

La croissance robuste du Niger résulte en bonne partie des réformes accomplies, et notamment en matière de bonne gouvernance et d’amélioration du climat des affaires. Ainsi, et sur ce dernier point, le pays a fait un bond considérable dans le classement international Doing Business de la Banque mondiale, passant de la 173e place en 2012 à la 132e place en 2020, et talonnant désormais le Nigeria (131e). Le Niger fait même largement mieux que des pays comme l’Angola (177e, et une des principales économies d’Afrique subsaharienne, du fait de son importante production pétrolière), ou encore l’Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place. Cette dernière, où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d’ailleurs l’un des pays connaissant les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec en particulier l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an). Pour sa part, la Sierra Leone occupe aujourd’hui la 163e place du classement.

Au passage, il convient de noter que la performance du Niger contredit clairement les propos régulièrement tenus par un certain nombre de commentateurs, et selon lesquels une forte croissance démographique empêcherait un pays de progresser et de se développer. Une théorie qui vise d’ailleurs souvent le Niger, dont le taux de fécondité est le plus élevé au monde, avec une moyenne estimée à 7,1 enfants par femme en 2019 (et toutefois en baisse, par rapport à un niveau de 7,6 enfants en 2015). Ce taux est d’ailleurs bien supérieur à celui de la Sierra Leone, estimé à 4,2 enfants. De plus, il est également intéressant de noter que le Niger ne fait désormais plus partie des dix pays les plus pauvres du continent, se plaçant aujourd’hui à la 11e place des pays les moins riches (le Soudan du Sud arrivant en dernière position, dans un classement où il n’y a aujourd’hui plus qu’un seul pays francophone parmi les cinq pays africains les plus pauvres, à savoir le Burundi). Cette évolution favorable s’observe également au niveau du taux de pauvreté, passé de 50,6 % en 2011 à 40,8 % en 2019. Un taux encore assez élevé, mais qui a baissé de près de 20 % en seulement huit ans.

Les avancées réalisées par le Niger devraient d’ailleurs lui permettre de quitter prochainement les toutes dernières places du classement international relatif à l’indice de développement humain (IDH), publié chaque année par l’Onu, mais qui a pour défaut de se baser sur des données souvent relativement anciennes pour les pays en développement, et ne prenant donc pas en considération les toutes dernières évolutions économiques et sociales (le Soudan du Sud, pays le plus pauvre du monde, exsangue et en partie détruit par une terrible guerre civile, demeure ainsi mieux classé que le Niger…). De même, certains pays ne sont pas répertoriés faute de données disponibles, comme la Somalie (qui est probablement, avec le Soudan du Sud, l’un des deux pays les moins bien classées en matière de développement humain).

Par ailleurs, les réformes accomplies par le pays, ainsi que l’environnement favorable que présente l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,4 % en moyenne sur la longue période de huit années allant de 2012 à 2019, devraient permettre au Niger de dépasser assez rapidement un second pays ouest-africain, également côtier, à savoir le Liberia. En Effet, ce dernier affichait un PIB de 622 dollars par habitant fin 2019, après une croissance annuelle moyenne s’étant établie à seulement 1,8 % environ sur la période 2012-2019 (chiffre approximatif, les données relatives à l’année 2015 étant imprécises). Une croissance qui devrait se maintenir à un niveau assez faible pour les quelques prochaines années, selon les prévisions de la Banque mondiale.

… mais d’importants défis à relever

Si le Niger est sur la voie du progrès, le pays devra toutefois faire face à d’importants défis dans les années à venir, et en particulier en ce qui concerne la bonne gestion des futures ressources qui proviendront de la montée en puissance de la production pétrolière, d’une part, et la lutte contre la menace terroriste venant de l’extérieur et d’intérieur de ses frontières, d’autre part.

En effet, le Niger est sur le point de devenir l’un des principaux producteurs de pétrole du continent, avec un volume qui devrait atteindre les 500 000 barils par jour d’ici 2025 (contre seulement 20 000 aujourd’hui), et lui permettre de disputer au Ghana le rang de troisième producteur d’Afrique subsaharienne (la production ghanéenne devant passer d’environ 200 000 à 500 000 barils par jour sur la même période). Cette augmentation considérable de l’activité pétrolière procurera au pays de très importants revenus, de l’ordre de plusieurs milliards de dollars par année et dépassant très largement les recettes liées à l’extraction de l’uranium. Ainsi, le pétrole pourrait représenter non moins de 68 % des recettes d’exportation du pays en 2025, soit bien davantage que l’uranium pour lequel le pays n’est d’ailleurs plus aussi stratégique que par le passé. En effet, il en est aujourd’hui le cinquième producteur mondial avec une part de seulement 6 % en 2019, loin derrière le Kazakhstan (42 %), le Canada (13 %), l’Australie (12 %) et la Namibie (10 %), premier producteur africain en la matière (le Niger ne fournit d’ailleurs plus que 32 % de l’uranium importé par la France).

Si l’émergence d’une nouvelle source de revenus est une chose théoriquement positive, force est de constater, toutefois, que l’existence d’importantes recettes liées à l’exploitation pétrolière s’accompagne souvent, dans les pays du Sud, par un développement considérable des phénomènes de corruption et de détournements de fonds publics, empêchant les populations locales de bénéficier pleinement de ces richesses. Par ailleurs, l’importance de ces revenus est souvent de nature à éloigner les pays concernés de l’accomplissement des réformes nécessaires à un développement solide et durable, qui ne peut passer que par la diversification de l’économie. Les méfaits potentiels d’une importante production d’hydrocarbures peuvent d’ailleurs s’observer au Nigeria voisin, pays gangréné par la corruption et la mauvaise gestion, et dont les hydrocarbures représentent encore 94 % des exportations du pays, 60 ans après son indépendance. Un pays qui est aujourd’hui en déclin (avec une croissance économique largement inférieure à sa croissance démographique), qui a récemment été dépassé en richesse par habitant par la Côte d’Ivoire (devenue le pays le plus riche d’Afrique de l’Ouest), et dont la monnaie a perdu près de 60 % de sa valeur face au dollar depuis 2014… et plus de 99 % depuis sa création en 1973.

Le Niger, qui n’avait déjà pas toujours été exemplaire dans la gestion de recettes liées à l’exploitation de l’uranium, devra donc démontrer que les mauvaises expériences vécues par de nombreux pays ne sont pas une fatalité, d’autant plus que les pays du Nord ayant une importante production pétrolière et gazière (comme la Norvège, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis) parviennent à gérer correctement leurs ressources. Mais le Niger devra également faire face à un autre défi au cours des prochaines années, et qui à trait aux activités terroristes menées sur son territoire, qu’elles soient réalisées par des individus en provenance d’autres pays du Sahel ou d’Afrique du Nord, à l’ouest et au nord, ou du Nigeria au Sud.

L’armée nigérienne, qui est d’ailleurs une des armées les mieux structurées de la région, pourra compter sur l’appui militaire de la France et des États-Unis. De plus en plus présents, les américains ont notamment construit une importante base de drones à Agadez, dans le nord du pays (et qui s’ajoute, entre autres, à leur grande base militaire de Djibouti, de loin la plus importante des bases étrangères en Afrique, avec environ 4 000 hommes). Toutefois, cela ne devrait pas empêcher le Niger de demeurer dans une situation sécuritaire précaire, et ce, notamment du fait de la probable montée du terrorisme venant de l’intérieur même du pays, conséquence du développement d’un extrémisme religieux alimenté par des idéologies en provenance de l’extérieur. Des idéologies contraires aux traditions religieuses de ce pays presque entièrement musulman depuis de nombreux siècles, et qui semblent, hélas, s’enraciner davantage au Niger que dans les autres pays francophones du Sahel.

Le Niger devra donc lutter activement contre ces dérives qui constituent une véritable menace pour sa sécurité et ses intérêts. Le pays devrait notamment prendre des mesures courageuses visant à empêcher la tenue de discours extrémistes par des personnes étrangères ou par des nationaux ayant été formés dans des pays connus pour abriter des idéologies contraires aux traditions nigériennes. Cependant, cette lutte ne pourra être menée avec succès que si le pays continue à progresser parallèlement sur la voie de la transparence et de la bonne gouvernance, afin de parvenir à une réduction importante et durable de la pauvreté par une bonne répartition des richesses actuelles et futures, d’une part, et par la mise en place d’une économie diversifiée et non dépendante d’une seule activité, d’autre part.

Ilyes Zouari

Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)

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