Affaire George Floyd: Kerry Kennedy where are you?
Le sujet des droits de l’Homme aux États-Unis est controversé et complexe. Historiquement, les États-Unis sont attachés au principe de liberté et ont accueilli de nombreux réfugiés économiques et politiques en périodes de troubles. Ils ont un appareil judiciaire puissant et indépendant et une constitution qui sépare les pouvoirs pour prévenir la tyrannie. Légalement, les droits de Homme au sein des États-Unis sont ceux reconnus par sa constitution, par les traités ratifiés par le Sénat ainsi que quelques droits articulés par le Congrès. Internationalement, les États-Unis sont au cœur du processus de création de l’Organisation des Nations unies et de la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Une partie de cette déclaration s’inspire du Bill of rights américain. Dans la dernière partie du xxe siècle cependant, les États-Unis ont participé à peu de traités et déclarations internationaux relatifs aux droits de l’Homme adoptés par les membres des Nations unies. Au xxie siècle, les États-Unis sont hostiles à la Cour pénale internationale et se sont exprimés contre le statut de Rome. Pays qui a connu l’esclavage des noirs et une très importante ségrégation raciale, les États-Unis ont été critiqués pour des violations des droits de l’Homme, particulièrement dans le système pénal et les prisons, et sur ce qui touche à la sécurité nationale. En matière de politique étrangère, de nombreux critiques soutiennent que les États-Unis ont commis de sérieuses atteintes aux droits de l’Homme, tels que de la torture, des enlèvements et des assassinats, notamment pendant la Guerre froide.
“America first” ou « White First »
“America first”, c’est selon cette ligne directrice de l’administration Trump que le retrait des États-Unis du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a été décidé le 20/06/2018, affirme Corentin Sellin. Ce professeur agrégé d’histoire, co-auteur de Les Etats-Unis et le monde de la doctrine de Monroe à la création de l’ONU: (1823-1945) (éd. Atlande), n’a “absolument pas été surpris par cette décision”. “Donald Trump a tout de suite dit qu’il voulais diminuer les contributions de son pays aux organes de l’ONU quand il estimerait que le profit que les États-Unis pourraient en tirer ne serait plus suffisant”, ce qu’il a mis en oeuvre avec la sortie de la première puissance mondiale d’une autre institution des Nations Unies, à savoir l’Unesco. Et Corentin Sellin de conclure que Trump “estime que ces institutions sont inutiles, coûtent trop cher et que son pays n’a rien à y gagner ; il est obsédé par la question de savoir ce que ça coûte, et rapporte à son pays”. Ce retrait américain de l’institution basée à Genève a longtemps été brandi comme une menace par Washington. Mi-2017, Nikki Haley avait appelé à une profonde réforme de l’organe principal du système onusien en matière de droits de l’homme. Depuis l’arrivée début 2017 du républicain Donald Trump à la Maison-Blanche, les États-Unis se sont retirés de l’Unesco, ont coupé plusieurs financements à des organes de l’ONU et ont annoncé notamment leur retrait de l’accord de Paris sur le climat et de l’accord nucléaire avec l’Iran endossé par les Nations unies.
« Nous prenons cette mesure parce que notre engagement ne nous permet pas de continuer à faire partie d’une organisation hypocrite et servant ses propres intérêts, qui fait des droits de l’homme un sujet de moquerie », a poursuivi Mme Haley. Depuis l’arrivée début 2017 du républicain Donald Trump à la Maison-Blanche, les États-Unis se sont retirés de l’Unesco, ont coupé plusieurs financements à des organes de l’ONU et ont annoncé notamment leur retrait de l’accord de Paris sur le climat et de l’accord nucléaire avec l’Iran endossé par les Nations unies. Le CDH a été créé en 2006 pour promouvoir et protéger les droits humains à travers le monde mais ses rapports ont souvent contredit les priorités américaines. En particulier, le fait qu’Israël soit le seul pays au monde ayant un point fixe (appelé point 7) à l’ordre du jour de chaque session, soit trois fois par an, provoque la colère des États-Unis. Washington, dont le mandat au Conseil s’achevait en principe en 2019, avait aussi réclamé que l’exclusion des États membres commettant de graves violations des droits de l’homme soit votée à la majorité simple et non aux deux tiers, et que le processus de sélection des États membres soit renforcé. « Les pays (membres) se sont entendus pour saper la méthode actuelle de sélection des membres », a déclaré M. Pompeo. « Et le biais continu et bien documenté du Conseil contre Israël est inadmissible. Depuis sa création, le Conseil a adopté plus de résolutions condamnant Israël que contre le reste du monde », a-t-il ajouté.
Le profit d’abord
Ce retrait du Conseil est “empreint d’un caractère idéologique mais aussi personnel” : Corentin Sellin l’interprète comme une vengeance du “très rancunier” Trump contre lequel le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al-Hussein, avait publiquement pris position lors des dernière présidentielles américaines. Aussi, au regard de l’histoire récente entre la première puissance mondiale et le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, créé en 2006, ce retrait était prévisible. “À l’époque de sa création, les États-Unis de Bush se sont tout de suite montrés critiques envers le Conseil des droits de l’Homme, puisque sur les 47 pays qui y siègent, beaucoup ne respectent pas les droits de l’homme”, affirme Corentin Sellin : “C’est logique de se demander pourquoi la République Démocratique du Congo ou encore le Venezuela y ont leur place, alors que les droits de l’homme sont violemment bafoués sur leur sol”.
Surtout, dès 2006, “les États-Unis de Bush étaient déjà très circonspects et reprochaient à cette institution son obsession contre Israël”, explique le spécialiste de la politique étasunienne. Au regard du nombres de résolutions anti-Israël votées au Conseil des droits de l’Homme, “c’est incontestable : même les anciens secrétaires des Nations Unies Kofi Annan et Ban Ki-moon ont publiquement regretté que le Conseil soit un forum exutoire contre Israël”. Corentin Sellin souligne que sur près de 70 résolutions votées au Conseil avant l’entrée des États-Unis en 2012, sous Obama, près de la moitié concernaient Israël, l’allié des États-Unis. C’est avant tout “symbolique”, puisque les résolutions du Conseil sont non-contraignantes, mais en se retirant, “les États-Unis, disent qu’ils ne veulent plus cautionner cette obsession du Conseil contre leur allié”, explique le spécialiste.
Une balle dans le pied
Pourtant, “à partir du moment où les États-Unis ont commencé à s’investir et à siéger au Conseil, les résolutions contre Israël ont considérablement baissé” en passant de 50% à 20%. “C’est très paradoxal : le retrait du Conseil est logique mais ils se coupent un bras s’ils veulent continuer à aider Israel” puisque “avec leur départ, l’institution va sûrement adopter à nouveau une ligne plus dure envers l’allié des États-Unis”. C’est d’ailleurs le seul allié qui trouve grâce à ses yeux : “L’administration Trump dénonce le multilatéralisme de l’ONU” et fonctionne de manière totalement unilatérale surtout en matière de politique extérieure, “qu’elle mène de façon protectionniste et isolationniste”.
Mais Israël “est l’allié central de Trump, qui estime trouver dans cette alliance une influence au Moyen-Orient, notamment dans la lutte contre le terrorisme”. Alors que “ce retrait du Conseil des droits de l’homme est un désengagement envers tous ses autres alliés, Trump met Israël sur un piédestal”. “En plus, avec John Bolton, qui a toujours dénoncé de façon abrasive l’ONU pour son inutilité” aux commandes du Conseil de sécurité américain, “c’est clair et net : cela n’augure rien de bon dans les relations de l’administration Trump avec l’ONU” et fait “perdre de sa superbe au Conseil des droits de l’Homme puisque cela met à mal sa stature internationale”.
Un président rancunier
“Cette décision de se retirer du Conseil n’est pas surprenante, mais provocante dans le contexte actuel”, résume Corentin Sellin. Trump fait face en ce moment même “au tumulte des réactions” indignées que soulève sa politique migratoire cruelle, “qui sépare les enfants d’immigrants de leur parents qui sont ensuite placés dans des cages”. Selon ce spécialiste, cette décision d’annoncer le retrait en même temps est donc aussi une manière de dire “cause toujours, tu m’intéresses” à ses détracteurs : “Quand il est critiqué, Trump ne recule pas, il ne cède pas et au contraire en rajoute”. Cette décision est d’autant plus provocante que Nikki Hailey, l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies, a déclaré que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU est un “cloaque de partis pris politiques” : dans l ‘idée de “cloaque”, on retrouve pour le spécialiste des États-Unis une “dénonciation populiste de la bureaucratie onusienne ; c’est typiquement la phraséologie classique des conservateurs américains”.
Débat sur la situation des droits de l’homme aux États-Unis après la mort de George Floyd.
« Je ne peux plus respirer », « J’ai mal »… La vidéo de son interpellation fait le tour des réseaux sociaux – et donc du monde – depuis mardi 26 mai, et relance la question des violences racistes commises par la police aux États-Unis. Après Michael Brown à Ferguson (Missouri), Tamir Rice à Cleveland (Ohio), Eric Gardner à New York, ou encore Stephon Clarke à Sacramento (Californie), l’indignation se concentre aujourd’hui autour de la mort de George Floyd lors de son arrestation par la police de Minneapolis (Minnesota).
George Floyd était un Afro-Américain qui est décédé le 25 mai au cours de son arrestation dans la rue par des policiers à Minneapolis, aux États-Unis. Sa mort et d’autres cas similaires ont provoqué des manifestations pacifiques et violentes contre le racisme et la violence policière partout aux États-Unis, ainsi que dans le monde entier, malgré la pandémie actuelle de COVID-19. Selon NBC News, cette technique d’immobilisation courante à Minneapolis a provoqué l’évanouissement de 44 personnes dans cette ville depuis 2015. Une méthode désuète et au danger potentiellement mortel, d’après des experts et des policiers américains. Une « technique particulière » non autorisée Derek Chauvin, lui, a choisi de contrôler George Floyd au sol en exerçant une pression avec son genou contre sa nuque. Interrogés par NBC News, une douzaine d’officiers de police et de spécialistes des forces de l’ordre l’affirment sans ambiguïté : la « technique particulière » employée par Derek Chauvin n’est ni enseignée ni validée par les agences de police. Un responsable de la ville de Minneapolis confirme qu’un tel geste est interdit dans les rangs de la police locale. L’ex-agent impliqué dans la mort de George Floyd aurait donc employé une pratique non autorisée. Ou bien « personnalisé » (le genou) et détourné une technique apparemment légale. « Ce n’est pas simplement une affaire de racisme », analyse Didier Combeau, politologue et spécialiste des États-Unis, interrogé par France 24. « C’est une affaire de violence, mais aussi de politique ».
En effet selon le chercheur, auteur de ‘Polices américaines’ (Gallimard), cette nouvelle affaire, comme celles qui lui ont précédé, est la résultante de plusieurs symptômes : la violence d’une police à l’image de celle de l’ensemble de la société américaine, sur fond d’un racisme individuel et institutionnel « chevillé aux États-Unis depuis très longtemps », et exacerbé par les échéances électorales à venir.
Les ONGs américaines qui se targuent de faire la leçon à l’Afrique en matière de Droits de l’Homme…La question du racisme et celle de la violence « se surinfectent l’une l’autre »
Aux États-Unis, où 1 000 à 1 200 personnes sont tuées chaque année par la police, selon des calculs effectués par la presse américaine après le meurtre de Michael Brown à Ferguson, les Noirs représentent près de 25 % des victimes. « Un quart des personnes tuées par la police sont afro-américaines, alors que la proportion d’Afro-Américains dans la population américaine est plutôt de 13 % », note Didier Combeau. Des chiffres éloquents, renforcés par une étude publiée en 2019 à partir de données collectées par le consortium de journalistes Fatal Encounters, et ceux du National Vital Statistics System. Selon cette étude, les Noirs ont 2,5 fois plus de risques que les Blancs d’être tués par la police aux États-Unis, les chercheurs estimant qu’un Afro-Américain sur mille mourra alors qu’il est aux mains de la police.
Si Didier Combeau souligne la prégnance de la question interraciale, elle est selon lui largement renforcée par celle de la violence. Ces deux problématiques « se surinfectant l’une l’autre ».
Selon le chercheur, cette violence est avant tout intrinsèquement liée à la libre circulation des armes à feu qui implique que « chaque fois qu’un policier fait une intervention, il risque de se trouver face à une arme ». Une préoccupation constante pour la police, affirme Didier Combeau, qui ajoute que le temps passé à l’entraînement au tir dans la formation des policiers américains est bien plus importante que le temps accordé à la formation à la psychologie ou à la résolution de conflits.
Ce risque de se trouver constamment face à une population potentiellement armée, a d’ailleurs mené à de nombreuses bavures policières : en 2016, Keith Lamont Scott a été tué par balle alors qu’il refusait, d’après la police, de lâcher son arme de poing, laquelle se révélait être, selon la famille de la victime, un livre qu’il tenait à la main en attendant pacifiquement son fils à l’arrêt de bus. Abattu par la police en 2012 à Cleveland, Tamir Rice, 12 ans, jouait quant à lui avec un pistolet factice ; pour ce qui est de Stephon Clarke, il a été tué par la police de Sacramento en 2018, son téléphone ayant été confondu avec une arme à feu.
Des erreurs d’appréciation qui, d’ailleurs, permettent souvent aux policiers d’être relaxés par la justice, grâce à l’invocation de la légitime défense. Les quatre policiers impliqués dans l’arrestation de George Floyd ont été limogés mardi, mais laissés en liberté, alors qu’une enquête a été ouverte. Comme en témoignent les précédentes affaires de violences policières à l’égard d’Afro-Américains, les policiers ayant commis de tels faits ont souvent bénéficié d’un abandon des poursuites.
Dans le cas de l’affaire George Floyd, mort lundi, étouffé sous le genou d’un officier de police, les faits sont plus troublants, constate Didier Combeau. « Par rapport aux bavures bien plus fréquentes par arme à feu, il ne s’agit pas d’une réaction impulsive face à une menace », poursuit-il. « Il sera peut-être plus difficile, dans ce cas, de plaider la légitime défense ».
« Je veux que ces policiers soient inculpés pour meurtre, car c’est exactement ce qu’ils ont fait, ils ont commis un meurtre contre mon frère », a affirmé Bridgett Floyd, la sœur de la victime, sur NBC.
Une nouvelle vidéo montre trois officiers de Minneapolis agenouillés sur George Floyd avant sa mort.
Une nouvelle vidéo partagée en ligne semble montrer trois officiers du département de police de Minneapolis agenouillés sur George Floyd lors de son arrestation lundi, qui a ensuite entraîné sa mort.
Rappel, une vidéo précédente publiée par le témoin oculaire Darnella Frazier montrait Floyd, 46 ans, agenouillé par un officier, Derek Chauvin, qui a maintenant été arrêté et accusé du meurtre de George Floyd.
Dans cette nouvelle vidéo, qui a été capturée de l’autre côté du véhicule de police de Minneapolis où l’arrestation a eu lieu, Chauvin et deux autres officiers blancs ont été filmés à genoux sur Floyd.
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Une publication partagée par Afro Planete (@afroplanete53) le 30 Mai 2020 à 8 :42 PDT
Lire la suite:Kerry Kennedy where are you?Comment expliquer votre silence sur l’assassinat de George Floyd et d’autres Afro-américains?
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